STARTREK ENTERPRISE ONLINE FR logo

  
Accueil ENTERPRISE
 
Retour à...
  
 Saisons virtuelles : Enterprise continue avec de nouveaux épisodes en ligne 
 
SAISON 5 VIRTUELLE - Entre le feu et l'eau
 
 
Ecrit par : Medie
Traduit par : Laurent
 
V.O. publiée le 27 janvier 2006
V.F. publiée le 29 septembre 2006
 
    Entre le feu et l'eau
 
On lui avait dit que le bruit était ce qu'il y avait de plus déconcertant dans les premiers moments. Elle pouvait le croire.
La vague cacophonique qui s'était engouffrée dans son esprit dès les premières secondes quand elle était sortie marcher dans les rues de San Francisco avait convaincu Navarra Sel que le silence n'était pas une chose que les humains connaissaient beaucoup. Il fallut un moment pour que l'ambassadeur retrouve son calme, se concentre et érige les barrières d'urgence dont elle avait si rarement besoin pour bloquer le vacarme des pensées indisciplinées des étrangers qui l'entouraient. Elle avait réussi à bloquer les pensées des six personnes de son entourage, mais être confrontée à ce raz-de-marée d'humains et à une telle proximité physique...
"Ambassadeur?" La voix préoccupée de son aide, un officier de Starfleet, brisa sa concentration. Elle n'avait pas encore l'habitude de ce titre. "Est-ce que vous allez bien?"
Elle sourit discrètement et inclina la tête. "Oui. Un ami m'avait avertie, mais je ne m'étais pas tout à fait attendue à ce que ce soit si..." Elle hésita, cherchant le mot juste. Il semblait impoli de le dire, mais elle sentit qu'il n'objecterait pas. "Je ne m'étais pas attendu à ce que ce soit si bruyant."
Le jeune homme, un lieutenant, inclina la tête rapidement. Il était jeune et ambitieux. "Ah, oui, la télépathie."
Son alarme mentale s'agita quand de nouvelles pensées bombardaient ses barrières. Après un premier choc, elle refréna un sourire d'amusement aux pensées qu'il laissait échapper derrière cette émotion. Son aide était tellement ambitieux et tellement décidé à ne pas échouer. Elle entrevit l'image d'un navire, l'Entreprise, le vaisseau dont elle venait de débarquer, et l'immense désir du jeune homme de servir à bord. Avant de refermer son esprit, elle ressentit une compréhension, une compréhension qu'elle avait manquée auparavant. Elle ressentit une profonde tristesse à l'idée qu'ils n'étaient parvenus à cette compréhension qu'après tant de douleur et de confusion.
"Ce n'est pas..." fit le lieutenant.
"Non, ce n'est pas une insulte que d'y penser", le rassura-t-elle. Pendant son voyage sur l'Entreprise vers la Terre, elle avait appris à comprendre la duplicité de ces gens, leur manière à eux de communiquer et vivre entre eux en tant qu'êtres solitaires, sans ce lien de transparence. Son aide se sentirait insulté si elle n'était pas totalement honnête, et elle commençait à comprendre la différence entre l'honnêteté et le mensonge de politesse. Les Humains étaient déconcertés par des capacités comme la télépathie, mais ils savaient s'adapter rapidement. L'ironie de cette révélation la saisit. "Serait-ce une insulte que de vous demander pourquoi vous avez des cheveux sur la tête?" Il secoua la tête et elle sourit, essayant de le mettre à l'aise. "Et bien, c'est la même chose. Mes capacités télépathiques sont aussi communes à nos yeux que... que les oreilles pointues le sont aux yeux des Vulcains, ou que les cheveux sur votre tête."
Ses paroles renvoyèrent une onde d'échos d'amusement parmi les Humains qui l'entouraient, et Navarra s'en sentit encouragée mais attristée en même temps.
Si seulement cela s'était passé avant...
 
******
 
TROIS SEMAINES PLUS TOT.
Jonathan Archer s'ennuyait. Ce n'était pas quelque chose qui lui était arrivé souvent dans sa carrière. Commander l'Entreprise lui avait montré que même de simples moments de détente étaient rares, alors que dire de ceux d'ennui réel. Mais, en même temps, il se rappelait quelques-uns de ces moments, dont le plus marquant reflétait sa situation actuelle.
Résistant à l'envie de compter les rivets du plafond, il fixa des yeux le visage de son Premier officier. Il s'aperçut qu'elle le regardait avec une sorte de désapprobation et, ce pouvait-il que ce soit vrai, un léger amusement.
"Avez-vous trouvé quelque chose dans l'intégrité structurelle de cette pièce qui vous cause des soucis, Capitaine?" demanda-t-elle poliment en lui tendant la tablette électronique qu'elle tenait au-dessus de la table entre eux.
"Non, non, pas du tout." Il s'éclaircit la gorge et se redressa, se sentant comme un gosse surpris en train de rêvasser pendant la classe. Ce n'était après tout pas une si mauvaise métaphore vue sa situation actuelle, toutes choses considérées. L'idée de T'Pol essayant de réprimander une salle de classe pleine d'enfants Humains... Il garda cette pensée précieusement pour plus tard. Trip Tucker adorerait cette image. "Je vous en prie, Commandant, continuez. Vous parliez de la télépathie des Bétazoïdes et de son influence sur leur société."
T'Pol lui adressa un vague regard de réprimande. La plus grande partie de cette réunion y était consacrée, mais elle oublia aussitôt la distraction d'Archer. "En effet, Capitaine. A cause des capacités télépathiques de ses habitants, la société Bétazoïde s'est développée très ouvertement. Ils n'ont que peu besoin d'intimité et mettent en avant la poursuite des valeurs intellectuelles. "Elle sembla particulièrement gênée en parlant du point de vue Bétazoïde de la vie privée, Archer soupçonna que cela causait toutes sortes de problèmes aux Vulcains pour qui le respect de l'intimité était des plus importants.
Ses soupçons devaient être visibles, car elle leva un sourcil comme s'il lui avait répondu à haute voix. "Cela a, occasionnellement, conduit à des malentendus entre nos peuples. Les Vulcains n'ont pas l'habitude de partager leurs considérations intérieures aussi facilement que les Bétazoïdes. Dans nos premiers échanges, cela est devenu une source de désaccord."
Même s'il fit son possible, Archer ne put retenir un léger sourire. "Désolé". Il leva la main pour empêcher tout commentaire. "Je ne veux pas être grossier, mais..." Il sourit de nouveau. Il ne pouvait qu'imaginer l'ampleur du désaccord. "Etant donnée votre célèbre habitude pour les minimisations..."
"Dans cette situation, Capitaine, ce n'est pas une minimisation. L'espèce Bétazoïde n'est pas malveillante. Ce sont de véritables pacifistes. Les Bétazoïdes abhorrent la violence encore plus que mon peuple. Ils croient que ce dégoût résulte de leur capacité à percevoir l'impact sentimental des conflits." T'Pol s'emporta à cette remarque. "Ils se sont délibérément attachés à supprimer tous conflits dans leur société."
Intrigué, Archer prit la tablette et parcourut les informations qui défilaient à propos de cette planète qui était leur nouvelle destination. Il devait l'admettre, il était impatient de rencontrer enfin une espèce à seule fin d'une exploration. Même si le contact prétextait des négociations commerciales, il était plus qu'heureux de laisser la négociation aux délégués de la Terre que l'Entreprise transportaient et de jouer les touristes, pour changer. Tout ce que T'Pol lui révélait sur Bétazed augmentait son envie de découvrir cette société. "Cela ressemble à une utopie", murmura-t-il, pensif.
"Pas forcément." Son Premier officier semblait éprouver des regrets. "Leur dégoût pour la violence est renommé, mais cela les a rendu vulnérables aux attaques répétées des pirates." Elle lui lança un regard significatif. "Dont celles du chef du Syndicat d'Orion. Il est tout à fait probable, Capitaine, que l'intérêt des Bétazoïdes dans une alliance avec les Humains repose entre autres sur la protection que pourra lui offrir Starfleet. Mais sur ce point, je pense que les Bétazoïdes ne sont pas les seuls. Cette revendication est sans doute partagée par beaucoup d'espèces."
Une myriade de races et de visages qu'ils avaient rencontrés au cours des années vint à l'esprit d'Archer. Il hocha la tête. "Pour de bonnes raisons."
 
******
 
"Lieutenant, il semble que nous ayons un petit problème."
Malcolm Reed releva la tête de son livre et se retrouva face au visage d'Harris qui le regardait depuis l'écran de sa console. Il affichait une expression mélangée de consternation et de tristesse. Reed écarquilla les yeux de surprise. Naturellement, Harris avait ses propres moyens de le contacter sur l'Entreprise. Et il fallait bien s'attendre à ce que la Section 31 s'intéresse à lui, une fois informée du détail de leur mission sur Bétazed, une planète entière de télépathes, Il n'aurait donc pas dû être étonné de l'appel d'Harris, mais du temps qu'il lui avait fallu pour l'appeler. Il garda une voix tranquille. "En réalité, j'ai passé une très bonne soirée. Le seul problème que j'y trouve à redire, c'est votre intrusion."
"Vous vous rendez sur Bétazed." L'espion perturbateur fronça les sourcils. "Vous vous rendez compte des ennuis que cela peut nous causer, n'est-ce pas?" Les espèces télépathiques représentaient en effet le pire cauchemar de la Section. Le risque d'être découvert était des plus importants.
Mais de cela, Reed avait la plus grande difficulté à s'en soucier.
"Il n'est pas prévu que j'aie des contacts particulièrement prolongés avec eux, si c'est votre question", répondit Reed un brin irrité en mettant de côté son livre pour venir s'asseoir devant sa console. "Ils ne seront probablement pas capables de ressentir quoi que ce soit d'incriminant en moi. D'après le dossier dont j'ai pris connaissance, bien que la propension des Bétazoïdes à l'honnêteté les expose parfois à des découvertes accidentelles, ils n'ont pas l'aptitude de scanner les pensées les plus profondes. Je vous saurais gré de me laisser régler cela à ma discrétion. "Il tendit la main pour clore la communication, tout en ajoutant un dernier mot. "Je n'ai aucun intérêt à révéler les aspects les plus désagréables de l'humanité à ces pauvres gens. Nous devrions leur laisser quelques illusions quant à notre véritable nature."
Harris renifla. "Vous pouvez leur laisser toutes les illusions que vous souhaitez, mais tout à fait franchement, il y a ici un certain nombre de personnes qui voudraient voir ces négociations échouer. Puisque cela semble être impossible, avec nos amis Vulcains qui ont l'air de s'acharner à monter cette petite alliance issue des idées d'Archer, nous pensons que certains préparatifs doivent être faits de peur qu'un de ces 'pauvres gens' ne s'égarent dans un mauvais esprit et ne découvrent ce qu'ils ne sont pas sensés voir. Nous avons travaillé très durement pour préparer cette opération et aucun de nous ne permettra à personne de la faire échouer d'une simple pensée égarée."
Reed résista à la forte envie de rouler des yeux. "Je peux vous assurer que la dernière chose que n'importe lequel d'entre nous fera durant cette mission sera de nous inquiéter de 'cette petite opération.' Contrairement à ce que vous semblez en voir depuis chez vous, nous avons des choses beaucoup plus importantes à l'esprit que de penser à provoquer la chute de la Section. Personne ne va vous trahir auprès de nos amis télépathiques. A moins que, bien sûr, vous persévériez à nous contacter et que cela provoque la pensée perdue que vous redoutez tant." Il se releva et laissa le dédain imprégner ses paroles. "Maintenant, à moins que vous n'ayez un danger urgent galactique à me signaler concernant l'Entreprise, mon livre m'appelle, et il est de loin de meilleure compagnie..."
Sans laisser à Harris la moindre chance de répondre, il enfonça du doigt le bouton d'arrêt pour couper la communication. Tout cela lui laissait un goût plutôt désagréable dans la bouche, et encore plus de questions dans la tête. Harris n'était pas un homme qui s'abandonnait facilement à la paranoïa. Le capitaine Archer aurait peu de contact avec leurs hôtes Bétazoïdes en ce qui concernait la diplomatie, mais il y aurait des échanges culturels, des réceptions, des dîners, et ainsi de suite. Il y avait aussi la question de Trip Tucker, qui jouait l'éternel touriste. Il furèterait sans doute dans tous les coins que les Bétazoïdes accepteraient de lui montrer, et il poserait des questions sur tout.
Reed s'était beaucoup préparé à l'éventualité de parlementer avec une espèce télépathique, mais ce n'était pas le cas d'Archer et Tucker. La Section 31 avait réfléchi à de telles questions, mais le reste de Starfleet le faisait très rarement et, en toute probabilité, c'était cela qui inquiétait réellement Harris. Sans doute s'attendait-il à ce que Reed joue le rôle de chaperon et s'assure que la sécurité de la Section demeure entière.
"Maudite section." Reprenant son livre, il s'installa de nouveau sur sa couchette. "Et moi qui étais impatient de descendre sur cette planète."
 
******
 
"Cela ressemble à la maison... A peu près."
Impatient de découvrir Bétazed, Tucker était sur la passerelle à pester contre Hoshi Sato en tâchant de résoudre un problème dont elle s'était plaint. Il n'était pas le seul. A l'exception du pilote Travis Mayweather, qui était retenu par son travail, la majorité du personnel de la passerelle avait cessé ses activités habituelles pour admirer la vue de la planète qui remplissait l'écran principal. C'était une belle planète et, comme il l'avait fait remarquer, elle ressemblait fortement à la Terre. La différence la plus visible résidait dans les formes de ses blocs continentaux, mais cela ne retirait rien au sentiment de nostalgie que cette vue familière évoquait.
"C'est beau", accorda Sato. Elle était prête à en dire plus, pensa Tucker, mais elle s'interrompit pour appuyer sa main sur son récepteur d'oreille. Ils l'observèrent tandis qu'elle écoutait attentivement, puis elle ne retourna vers le capitaine avec un sourire. "Capitaine, j'ai la Ministre Anandra Chal en ligne. Elle souhaite nous saluer au nom de son peuple."
"Sur écran." Archer se leva pour saluer la ministre. "Ministre Chal, c'est un honneur de vous rencontrer. Je suis le Capitaine Jonathan Archer."
La femme aux cheveux de jais et aux yeux noirs lui adressa un large sourire. "L'honneur est nôtre, Capitaine, l'honneur et le privilège. Bienvenue sur Bétazed. Nous avons tellement espéré votre arrivée. Nos amis communs, les Vulcains, nous ont chaleureusement parlé de vous." Ce qui aurait pu s'apparenter à une trace de taquinerie scintilla dans son regard et elle ajouta, "pour autant qu'ils puissent parler de quelqu'un en terme chaleureux."
Le capitaine adressa un regard complice dans la direction de son premier officier en souriant. "Je ne peux qu'imaginer ce qu'ils vous ont raconté."
"Que de bonnes choses, je peux vous l'assurer", promit la Ministre Chal avec le sourire. "Comme je vous l'ai dit, nous avons anticipé votre arrivée, nous donnons un dîner pour célébrer l'événement. J'espère que votre délégation ainsi que vos officiers supérieurs auront la possibilité d'y assister. Nous pourrons ainsi nous divertir avant de nous embourber dans les affres de la bureaucratie. "
Archer sourit et regarda autour de lui avant d'accepter. "Je pense que cela pourra s'arranger. Indiquez-nous simplement l'endroit et le moment, et nous serons là."
Elle sourit de nouveau et inclina la tête. "J'ai déjà transmis les détails. Nous attendons votre arrivée." L'écran s'assombrit brièvement avant d'afficher de nouveau l'image de la planète surmontée du champ stellaire local.
"Une dame plutôt agréable", fit remarquer Tucker en se glissant aux côtés de son ami. "Elle a de ces yeux."
T'Pol le coupa. "C'est une caractéristique de son espèce."
"Un peu comme vos oreilles, hein?" insista-t-il en imitant la traditionnelle levée de sourcil de la Vulcaine.
"En effet", lui répondit-elle, en refusant de lancer la polémique.
"Du calme, vous deux", gronda Archer. Tucker lui rendit un sourire subtil. "T'Pol, y a-t-il quelque chose que je devrais savoir avant de nous rendre à ce dîner?"
"Les Bétazoïdes aiment la tradition. Attendez-vous à être salué avec zèle."
Tucker croisa le regard de son ami qui s'asseyait dans son fauteuil. "Oh, profitez-en, Capt'aine", lui conseilla-t-il avec sagesse, appréciant à sa juste valeur ce rare moment de légèreté. "Du moment que vous n'avez pas à danser et à chanter autour d'un arbre avec une tronçonneuse, habillé d'algues, tout ne peut que bien se passer."
Son sourire s'élargit quand Archer lui retourna un regard faussement vexé. "Il fallait que vous y pensiez, n'est-ce pas?" fit mine de protester Archer.
"Allez, dites-moi que nous n'aurons pas besoin de sortir nos tenues de cérémonie pour le dîner? Elle a dit qu'on était supposé se divertir avant de passer au travail."
"Vous devriez être fier", contra le capitaine. "Ce sera tenue de cérémonie pour tout le personnel de Starfleet. Il semble que vous deviez vous contenter de sourire et de porter l'uniforme, Commandant."
"Puisque vous parlez de cela, Monsieur", les coupa Sato avec un immense sourire et les yeux pétillants, "Au moins nous n'aurons pas à nous inquiéter de ce que nous devrons porter."
Tucker lui sourit par-dessus son épaule. "Ce n'est pas ce qui va nous rassurer, Hoshi." Il ne lui en voulait pas, bien sûr, mais il aimait garder la primeur des plaisanteries. Mais toutes choses considérées, avec les événements des mois précédents, ils étaient preneurs de toutes les opportunités de rire un peu. Il n'était d'ailleurs pas étonné que Sato fut celle qui en rajoutait. Elle avait le chic pour se faire discrète et en profiter pour pointer ce que les autres avaient manqué. Maintenant, il riait en la regardant relever légèrement le menton en geste de défi espiègle.
"Pas pour vous, peut-être, mais je soupire de soulagement", répondit-elle.
"Et le reste d'entre nous va en pâtir", assura-t-il avec un regard légèrement fâché, la défiant. "Travis sera désolé de ne pas pouvoir vous voir dans votre costume du dimanche."
Comme s'il était étonné d'entendre son nom, Mayweather leva la tête de sa console, tout concentré qu'il était de veiller à garder leur orbite stable. Quelques secondes passèrent avant qu'il ne comprenne ce dont ils étaient en train de discuter. Il leur adressa alors le sourire qu'ils s'attendaient à obtenir. "Oh oui", leur accorda-t-il, "absolument".
Le sourire que Tucker leur adressa restait amical. Il ne répondit pas ce qu'il pensait, mais tous les Bétazoïdes dans un rayon d'un parsec devait l'avoir entendu.
Pauvre garçon, Travis...
 
******
 
Luxuriant.
C'était la première pensée qui s'imposa à l'esprit d'Archer en posant le pied sur la surface de Bétazed. Même l'air semblait riche et luxuriant. Les données préliminaires que les Vulcains leur avaient fournies indiquaient qu'il s'agissait d'un monde verdoyant à la végétation fournie et diverse, l'opposé du monde natal rude et stérile qui avait donné naissance aux Vulcains. Bétazed faisait assurément honneur à sa réputation. "Luxuriant" et riche" n'étaient que deux des mots qu'Archer aurait pu utiliser pour la décrire, mais il résumé le tout d'un murmure. "Whaou".
Il n'était pas le seul impressionné par la vue. Il entendit des commentaires semblables prononcés par Phlox et ses compagnons T'Pol, Tucker, Reed et Sato, ainsi que par leur pilote Mayweather, pendant qu'ils débarquaient de la nacelle. Bétazed était sans aucun doute impressionnant par sa belle vue.
"Cela semble encore plus beau d'en bas", observa Tucker en claquant des mains et en inspirant profondément cet air pur. "Vous savez, avec un tel endroit, les mots 'demande de permission' vont fleurir parmi l'équipage." Il pencha la tête vers son ami. "Ils en auraient diablement besoin."
"Ne nous laissons pas déconcentrer", avertit Archer, même s'il y pensait lui-même, en supposant que leurs hôtes le leur autoriseraient, bien sûr. Avec tout ce qui n'arrêtait pas de se passer, un espion, puis un autre, les Romuliens qui leur causaient des ennuis à chaque fois, l'équipage avait le plus grand besoin d'un repos mérité qu'il aurait bien aimé leur donner. "Occupons-nous de cette première réunion diplomatique avant de commencer à nous en inquiéter."
Son meilleur ami leva les mains en l'air en toute innocence et lui sourit. "C'est juste une idée, Capitaine, mais ce serait un endroit formidable pour cela."
"Et nous n'y aurons certainement aucune objection", l'interrompit poliment la Ministre Chal, souriante, qui marchait vers eux pour les saluer. Derrière elle, plusieurs autres Bétazedoïdes, tous aux yeux noir profond comme Sato l'avait fait remarquer, s'approchèrent. "Les nôtres vivent sur un monde paisible et vous semblez tous fatigués." Elle tendit ses mains en guise de salut au capitaine. "S'il vous plaît, nous serions très heureux de vous offrir ce repos." Elle les détailla du regard tout en continuant de parler. "Je ne fais aucune intrusion dans vos pensées, soyez-en sûrs", leur assura-t-elle. "Mais votre fatigue est difficile à ne pas noter et nous n'avons jamais été un peuple qui refusait de soulager les peines des autres quand nous le pouvons."
Se rappelant les recommandations de T'Pol et de Sato, Archer avança pour accepter ces mains offertes, souriant comme elle le faisait. "Ministre, nous ne voudrions pas vous insulter en refusant une offre aussi généreuse, nous sommes touchés..."
"Mais vous voulez être prudents." L'expression d'Anandra s'adoucit et elle inclina la tête en signe de compréhension. "Je suis d'accord." Elle se redressa, relâcha les mains d'Archer et recula, son expression soudain plus formelle. "Bienvenue sur Bétazed, et plus précisément dans la ville de Rixx. C'est notre capitale, et nous avons pensé que ce lieu serait le plus approprié pour y tenir les négociations. Je vous ai fait atterrir ici, dans ce parc, plutôt qu'à la base de lancement, pour que votre première vue de notre monde vous donne une idée de sa beauté. Permettez-moi de vous présenter mes collègues." Elle se tourna en faisant signe à ses compagnons de se rapprocher. Elle les présenta chacun leur tour en nommant leurs charges. Archer retint avec attention leurs noms, associant à chacun le dossier qu'il avait lu pour se préparer à cette entrevue. "En parlant du gouvernement", expliqua-t-elle, "Bétazed n'est pas fondamentalement attaché à un tel système. Nous faisons ce qu'on attend de nous, mais guère plus. Suivez-moi, s'il vous plaît." Elle se retourna et les guida au travers des jardins. Leur allure tranquille laissa à Archer le temps de saisir la beauté de l'aménagement paysager. "Je suis sûre que nos amis Vulcains vous ont informés de tout cela, de même que je suis sûre qu'ils ont mentionné notre inclination pour l'honnêteté."
"Ils l'ont fait", confirma-t-il. "Vos capacités ne laissent que peu de place à autre chose, selon eux."
"Ils ont raison", répondit Anandra de facto. "Nous considérons que le mensonge n'a aucun intérêt."
"Bien sûr. Pourquoi mentir quand vous pouvez voir immédiatement la vérité cachée derrière?" fit Sato, recevant un signe de tête d'approbation de leur hôtesse.
"Exactement!" La ministre ouvrit brusquement une porte. "Par ici, s'il vous plaît. Nous entrons à proprement dit dans la ville. Nous respectons la vie privée, bien sûr. L'honnêteté est importante et sacrée, mais non tempérée par le respect d'une vie privée, elle peut devenir une arme dangereuse. C'est quelque chose que nous ne nous pardonnerions jamais. Notre société respecte des idéaux très stricts qui se sont développés au cours de nombreux siècles et nous n'avons aucune envie d'en changer. Ils se sont développés pour répondre à nos besoins et notre mode de vie. Et ils y parviennent parfaitement."
Elle fit une pause en attendant que la dernière personne passe la porte, les laissant un moment observer le calme de leur environnement. La ville était tout sauf déserte. Les rues étaient bondées, des véhicules circulaient partout et les gens allaient et venaient, comme dans n'importe quelle grande ville. Mais il n'y avait quasiment aucun son. Le tumulte des voix que l'on se serait attendu à entendre était absent. Sato avait mentionné à Archer que les Bétazoïdes préféraient communiquer télépathiquement plutôt que de parler à voix haute, et que cela se ressentait dans leur environnement. A l'exception de celle de leur hôtesse, peu de voix étaient portées par le vent.
"Il y a un mais?" demanda Archer en voyant la ministre, le regard perdu dans le paysage urbain, apparemment plongée dans ses pensées.
"Il y en a beaucoup", répondit-elle. "Mais nous en discuterons plus tard. Comme je l'ai dit, place aux réjouissances avant la frustration des affaires. Vous êtes impatient de découvrir notre monde et nous serons fier de vous le montrer." Anandra indiqua du bras la ville qui les entourait. "S'il ait une richesse que mon monde peut vous offrir, Capitaine Archer, c'est ce que vous voyez devant vous, ses habitants. La vraie générosité de Bétazed se trouve dans la richesse des connaissances des gens et c'est quelque chose que nous avons très envie de partager."
"Oui, j'espérais avoir l'occasion de passer en revue vos dernières recherches en matière de xenopsychologie." Phlox s'immisça dans la conversation avec l'impatience que la ministre venait juste de mentionner. "J'ai communiqué avec certains de mes collègues Bétazoïdes impliqués dans le programme médical d'échange interespèces, et j'ai entendu quelques sujets extrêmement intéressants dans vos universités." Il arborait un sourire rayonnant." J'aimerais avoir l'occasion d'en visiter quelques unes, si nous en avons le temps."
"Bien sûr, Docteur Phlox", répondit Anandra en se retournant pour le regarder. "Nous pouvons facilement prendre des dispositions pour vous. En fait, mon associée, la Ministre Riel", fit-elle en indiqua une femme de son groupe qu'elle avait présentée plus tôt, "est responsable de nos installations médicales. Elle m'a dit qu'un certain nombre de médecins s'était rapproché d'elle et espéraient pouvoir discuter avec vous. Si les vents sont avec nous, nous devrions être capables d'organiser un petit colloque informel. Nous pouvons ainsi vous transmettre des traitements utiles pendant que ceux d'entre nous qui faisons de la politique seront engagés dans nos discussions." Sur ce, elle fixa la femme en question. "Chandra, si vous permettez?"
La ministre, d'allure svelte et rousse et aux yeux aussi noirs que ceux d'Anandra sourit et vint se placer à côté du Dénobulien. Ils entamèrent immédiatement leur propre sujet de discussion, oubliant visiblement le reste de la délégation. Ils se concentraient déjà sur l'organisation de la réunion que la ministre leur avait juste suggérée. Tandis que la délégation continuait sa route, ils entendaient derrière eux les bribes de conversation du médecin et de la ministre au sujet de maladies diverses et de nouveaux traitements.
Archer les écoutait encore quand la ministre le regarda avec une expression pleine d'espoir dans les yeux. "Peut-être, Capitaine, est-ce le début de nombreux échanges," murmura-t-elle. "Bétazed est à l'aube d'un nouvel âge et un choix se pose à nous." Elle lui sourit timidement. "J'espère que ce choix sera le bon."
"Moi aussi", lui répondit Archer, trop conscient des choix que faisait son propre peuple. "Trop de sang et trop de vies perdues sont en jeu pour que nous nous permettions de nous tromper."
 
******
 
La nuit, Rixx s'éveillait. La ville s'activait bien de jour, mais pour les affaires et le commerce. La nuit montrait une autre atmosphère, où les lumières et les hologrammes miroitants ornaient les rues et les cieux.
"Bong sang, ces gens savent comment faire la fête", remarqua joyeusement Tucker à Sato qui le rejoignait au balcon de pierre d'une terrasse qui surplombait la ville. Tous deux portaient leurs tenues de cérémonie. "Je pensais que cela tournerait au désastre avec le chant et les animations du dîner, mais..." Il regarda derrière lui l'océan tourbillonnant de couleurs que formaient les danseurs au sol. "Ils m'ont étonné avec cette soirée."
"Ils ont réussi le mélange presque parfait de leur histoire et de leurs traditions avec leur société actuelle." Elle lui sourit, clairement enchantée de tout cela. "L'un d'entre eux, Manon, m'a promis de m'apprendre leur langue. Ils ne l'utilisent pas beaucoup au quotidien, mais ils continuent naturellement de l'apprendre." Elle dirigea son regard vers l'horizon. "Ils ne veulent pas l'oublier. Elle a au moins une importance historique et, bien sûr, c'est un moyen d'expression pour la poésie et le chant."
"Ce sont de sacrés gens." Tucker lui adressa un sourire rusé. "Société matriarcale et tout et tout."
Elle rit. "Ils ne s'inquiètent plus beaucoup de cela désormais", lui fit-elle remarquer. "Ce n'est pas une division marquée dans leur société."
"C'est ce que je dis", lui accorda-t-il aimablement. "Sacrés gens." Il la dévisagea. "Vous vous amusez ici."
"C'est vrai. Je m'amuse vraiment." Elle secoua légèrement la tête, comme si cela la débarrassait des événements de ces dernières années. "Pendant longtemps, j'ai eu l'impression que tout ce que je pouvais faire était de rester assis sur la passerelle, sans cesse occupée, à ne faire que regarder les événements passer." Elle soupira. "Vous n'imaginez pas le nombre de fois où j'ai pensé tout abandonner pour rentrer à la maison. Si nous n'avions pas été dans l'Etendue, je l'aurais sans doute fait. L'année dernière, cela s'est amélioré." Elle sourit, visiblement soulagée d'un stress durable. "C'est incroyable. Nous sommes les premiers Humains à mettre le pied sur cette planète. Je suis la première Humaine à ne jamais avoir essayé d'apprendre leur langue. C'est pour toute cela que je suis restée."
"C'est pourquoi je vous ai convaincue de rester", la taquina-t-il avec le sourire en se rappelant la conversation avec une jeune enseigne perturbée qui n'avait plus de ressemblance avec la femme qui se tenait devant lui.
"Ne vous ais-je jamais remercié pour cela?" Elle se retourna pour le regarder. "Parce que si je ne l'ai pas fait, alors il est grand temps. Ce que vous avez fait pour moi..."
"Ouais, enfin, on peut dire que vous m'avez largement remboursé une bonne dizaine de fois en me tirant d'un mauvais pas linguistique." Tucker s'étira et posa sa main sur l'épaule de la jeune femme. "C'est moi qui vous dois une fière chandelle, Hoshi. Pour cela et pour être d'aussi bonne compagnie. Vous me manqueriez vraiment si vous nous quittiez."
Tucker reporta son regard sur la ville. Il comprenait pourquoi tout le monde était tellement enchanté par Bétazed. Il était lui-même un peu estomaqué du lieu. Sa dualité était saisissante. A la surface, les Bétazoïdes semblaient tellement plus semblables aux Humains que les froids Vulcains. Mais les différences étaient là, plus profondes, dans l'architecture, la société, le silence. Il y avait tant à explorer.
"Je pense que c'était l'endroit parfait où venir", fit-il remarquer tranquillement, laissant ces mots faire leur chemin dans sa tête. "Nous avions besoin de venir dans un endroit comme cela." Il regarda Sato dont l'expression reflétait ses propres pensées. "Vous n'êtes pas la seule à avoir songé à partir." Il lui sourit. "Je ne veux pas dire juste mon idée de transfert." Après tout ce qui était arrivé de mal dans l'Etendue et à bord de l'Entreprise, même après cette période, une partie de moi aurait voulu m'éloigner aussi loin que possible de Starfleet. Ca m'a vraiment tenté. C'était le genre de tentation qui mène un homme à penser que le simple travail d'un technicien était préférable, sur la colonie lunaire ou sur Utopia Planitia.
"Je suis heureux que vous soyez resté aussi", fit Sato tranquillement. Elle porta son regard sur l'horizon. "Je suis heureux que nous soyons tous les deux restés."
Tucker croisa le regard d'Hoshi, s'imaginant que les Bétazoïdes n'étaient peut-être pas les seuls télépathes du coin à comprendre les messages inexprimés.
Il sourit et hocha la tête, baissant son bras pour couvrir la main de la jeune femme avec la sienne, y appliquant une légère pression. "Avancer vers l'inconnu, n'est-ce pas?"
Sato releva la tête et rit. "Absolument."
 
******
 
Les négociations étaient le royaume des diplomates et Jonathan Archer préférait d'habitude laisser cela dans les mains expertes des diplomates. Le problème, c'était qu'il était toujours impliqué dans toutes ces affaires, quelque soit son âpreté à essayer de les éviter.
"Vous avez l'air de partir à l'abattoir, Capitaine."
Debout dans le hangar aux nacelles, à observer la délégation guidée vers les navettes par Reed, le capitaine regardait le négociateur en chef de la Terre. Rachel Pike lui sourit en retour. Pour la plupart, les fonctionnaires avaient passé le voyage vers Bétazed dans leurs quartiers, à étudier de près les informations que les Vulcains et les Bétazoïdes leur avaient fournies. Il ne pensait pas grand chose d'elle, mais elle semblait assez compétente et il était plus qu'heureux de lui laisser mener les négociations.
Il lui rendit son sourire. "Je ne suis pas très diplomate."
"Oh, je n'en suis pas sûre", répondit-elle. "D'après ce que j'ai entendu, nous devrions échanger nos places. Vous vous occupez de mettre au point les détails et je vais m'asseoir dans votre grand fauteuil. Un homme qui peut ramener les Andoriens à la table des négociations doit avoir le gène de la diplomatie, Capitaine Archer." Elle siffla pour montrer qu'elle était impressionnée. "C'est un petit miracle. A votre place, je m'attendrais à être chargé de ce travail avant longtemps, Capitaine. Vous avez montré trop d'excellence pour ne pas y être réclamé."
Ses commentaires n'avaient rien de neuf. Il avait entendu les mêmes des innombrables fonctionnaires et officiers de Starfleet. L'Amiral Gardner, Novotny... Diable, même Shran lui avait dit la même chose. "Peut-être", lui confirma-t-il avec un hochement de tête. "Pour le moment, je crois que je vais vous laisser faire." Il fit un large geste pour montrer le hangar autour d'eux. "Et vous me laissez ma place de capitaine."
Pike le regarda avec un air malicieux. Il se sentit soulagé de la savoir dans le camp de la Terre à la table des négociations. "Très bien", répondit-elle avec un signe d'approbation de la tête et le sourire. "Marché conclu." Elle rejoignit Reed qui lui tendait la main pour l'aider. "Mais réfléchissez ce que je vous ai dit, Capitaine." Elle le regarda par-dessus son épaule en montant à bord de la nacelle. "Ce n'est pas la dernière fois que vous en entendrez parler."
Il l'observa grimper dans l'appareil et sentit T'Pol venir se placer derrière lui. "Elle a raison", commenta-t-il sans se retourner pour la regarder. "J'en entendrai encore parler."
Elle répondit sur un ton monocorde. "Madame Pike a raison. Vous avez montré une aptitude exceptionnelle, bien que peu orthodoxe, pour la diplomatie. Il est certaines situations où les méthodes diplomatiques traditionnelles ne s'appliquent pas, et où vous excellez."
Il se retourna et la regarda avec une expression légèrement amusée et espiègle. "Eh, cela ressemblerait presque à un compliment, Commandant."
Le visage de T'Pol ne trahissait aucune émotion, mais il lui semblait tout de même y voir quelque chose, sans qu'il arrive à mettre le doigt dessus, mais quelque chose à coup sûr. "Il n'y a aucune logique à réfuter une habileté que vous avez précédemment montrée à de nombreuses occasions." Elle hocha légèrement la tête. "Même si j'ai moi-même exprimé quelques doutes à ce propos."
Il sourit. "Eh oui, c'est bien un compliment... juste un peu difficile à avouer." Il lui fit signe. "Allez, ne faisons pas attendre plus longtemps la délégation Bétazoïde."
T'Pol hocha de nouveau la tête en guise d'accord. "Effectivement." Ils s'avancèrent vers la seconde nacelle. "Vous avez l'intention de donner des permissions à l'équipage?"
"Limitées. L'équipage a besoin d'une pause et les Bétazoïdes sont plus que disposés à nous laisser venir, mais je ne veux pas abuser de leur générosité non plus." Archer se pencha pour entrer dans l'appareil.
"Quatre-vingts Humains sur une planète de plusieurs milliards d'habitants est difficilement qualifiable d'abusif, statistiquement parlant." T'Pol ignora la main tendue du pilote, enjamba l'ouverture de la nacelle derrière Archer et prit place à côté de lui. "Ils sont inaccoutumés aux Humains. Vous avez raison d'être prudent. Bétazed a eu de nombreux contacts avec mon peuple, mais a limité les contacts avec d'autres espèces. Quant au vôtre, il est connu pour déstabiliser même ceux qui sont très habitués aux relations interstellaires."
"Alors vous désapprouvez les permissions?" demanda-t-il, embarrassé par ses commentaires contradictoires.
"Non. Je suis d'accord avec vous. Je crois que la meilleure tactique est d'envoyer à la surface de petits groupes pour de courtes périodes, peut-être douze heures. Je suis sûre que la Ministre Chal pourra nous fournir une liste de destinations appropriées."
"Elle l'a déjà fait." Archer lui tendit une tablette électronique. "Elle est vraiment intuitive."
"La ministre est un diplomate habile et dispose d'aptitudes télépathiques", lui rappela T'Pol. "Elle combine une grande expérience dans les deux domaines pour son travail. Vulcain a éprouvé des difficultés pour traiter avec les Bétazoïdes par le passé, mais cette femme a su trouver à chaque fois des solutions à ces problèmes. "Elle baissa la tête vers la tablette, parcourant la liste des destinations inscrites." Je connais plusieurs de ces emplacements, l'équipage les trouvera tout à fait agréables. Je suggère que nous sélectionnions un petit groupe pour commencer."
"Excellent", répondit-il. "Donnez-moi votre liste." Il se pencha et rajouta discrètement à ses seules oreilles. "Je vais être très occupé à suivre ces négociations. C'est le moins que vous puissiez faire."
Elle serra les lèvres et leva un sourcil, mais ne répondit rien. Au lieu de cela, elle reporta son attention sur la tablette et commença à saisir des informations. Apparemment, elle n'avait pas l'intention de discuter cette assignation. Il n'aurait pas su dire si c'était pour le plaisir ou parce qu'elle était plus que désireuse d'éviter les négociations. Quoi qu'il en soit, elle était parfaitement compétente et cette tâche était entre de bonnes mains.
Satisfait du résultat, Archer se tourna pour observer le pilote séparer la nacelle du vaisseau et commencer sa descente.
 
******
 
"Imzadi." Sato se détourna de l'oeuvre et regarda l'homme qui se tenait à côté d'elle, dans l'expectative.
"Oui." Manol lui sourit et pencha la tête vers elle. "L'exposition a été créée avec comme fil rouge cette idée. D'habitude, nous ne voulons pas influencer la perception de l'art du visiteur, car chaque pièce doit être interprétée au travers de l'expérience de chacun. Mais là, vous êtes complètement étrangère à nos traditions et concepts. Donc... je ferai une exception." Il indiqua la peinture. "'Imzadi' est un concept révéré dans notre société. C'est..." Il marqua une pause, cherchant le mot juste. "Avez-vous un terme pour signifier la connexion entre deux âmes? Cela peut simplement être romantique, mais également transcender de tels concepts."
"Oui, âmes soeurs."
Il fronça les sourcils et Sato sut que Manol entendait non seulement le mot, mais aussi l'émotion qui l'accompagnait dans ses pensées. "Ames soeurs. Oui, c'est une représentation juste, bien qu'un peu simpliste pour décrire le concept de 'Imzadi.' Je doute qu'il y ait une traduction réelle, littérale. Le terme est si spécifique à nos aptitudes télépathiques." Il s'arrêta et la regarda, voyant son expression. "Vous êtes troublée? Ai-je fait quelque chose d'incorrect?"
Sato recula un peu, non pas pour fuir, mais juste pour prendre un peu de distance. "Je suis désolée, c'est juste que..." Son regard se perdit dans le vague, essayant de repousser des souvenirs désagréables. "Il y a quelques années... J'avais..." Elle essaya de sourire, mais laissa tomber, se rendant compte que tout ce dont elle ne voulait pas se souvenir remontait inexorablement à la surface. L'horreur qui remplissait les yeux noirs de Manol lui indiqua que ces pensées étaient impossibles à manquer. "Son nom était Tarquin et il..." Elle renonça à poursuivre son explication, soupçonnant qu'il avait déjà lu en elle son histoire.
"Je vois ce qu'il a fait", réussit à dire Manon d'une voix rauque, clairement choquée. "Je peux le voir dans vos pensées... Je n'ai pas l'intention de m'immiscer, Enseigne, comprenez-moi bien. Mais vous avez raison, c'est là, visible à la surface de vos pensées. Cela m'apparaît aussi fort que si vous criiez à pleins poumons." Il tendit la main, posant le bout de ses doigts sur le tissu de la manche de son uniforme. "Pour vous faire ces choses..." Il secoua la tête. "Il n'existe pas de mot pour décrire le dégoût avec lequel mon peuple considère un tel acte."
Cette fois, Sato réussit à retrouver le sourire. Elle saisit la main de Manol. "Je sais. Il m'a fallu longtemps pour surmonter cela, mais je suppose que je n'y ai pas aussi bien réussi que je l'avais pensé. Je sais que ce n'est pas la même chose, Manol. Je sais que vous ne feriez jamais ce que Tarquin a fait. C'est juste..."
"Il vous a forcé la mémoire", fit-il en hochant la tête, se calmant, comme elle l'avait espéré. "Je suis désolé de cela. Je n'avais aucune intention de ramener de telles pensées malheureuses à la surface."
"Vous ne pouviez pas savoir", lui répondit-elle. "Pas sans faire exactement ce qu'il avait fait, et je sais que vous ne le feriez jamais."
Après un moment, il afficha de nouveau une version hésitante du sourire qu'elle lui montrait. "Bien sûr. Non."
Sato se tourna de nouveau vers la peinture. "Parlez-moi de l'artiste", lui demanda Sato, désirant détourner la discussion vers l'art de Bétazed. "Avait-il un Imzadi à l'esprit, ou est-ce que c'est une représentation abstraite?"
"Oh, c'est une question complexe," répondit Manol en acceptant le changement de sujet.
Ils venaient juste de commencer à se détendre quand tout explosa autour d'eux.
 
******
 
Le silence paisible qui avait enveloppé la planète avait volé en éclats, laissant à sa place une tension palpable. La ministre Chal, alors à genoux, se releva, ignorant la saleté et le sang qui souillaient son élégant costume. Elle regarda l'enquêtrice qui se tenait devant elle. "Qu'est-il arrivé?" Sa voix trahissait sa colère.
"Les rapports sont confus", répondit l'autre femme aussi calmement qu'elle le pouvait. "Les témoins ont rapporté avoir entendu les cris perçants de la femme et vu des images. Les pensées étaient fractionnées et confuses, difficile à comprendre, mais ils ont tous observé la même chose. Et bien sûr, il y a cela." Elle leva la pièce trouvée dans la main de la femme.
Le regardant fixement, Archer ferma les yeux et soupira. "Bong sang..."
"Expliquez-moi, Capitaine." Anandra se retourna, sa colère faisant place à la supplication. "S'il vous plaît, dites-moi que votre homme d'équipage n'aurait pas pu commettre cette atrocité."
"Qui d'autre l'aurait pu?" cria l'un de ses assistants, sa voix laissant exploser la colère que la sienne cachait. "Aucun de nous n'aurait jamais pu... Aucun de nous ne pourrait jamais faire cela!" Il montrait le corps. "Elle a été brutalisée et l'homme a été retrouvé, inconscient, à ses côtés!"
"Ministre", intervint calmement T'Pol tandis que les enquêteurs recouvraient le corps de la victime morte. "Avec tout le respect dû à votre personnel, pourrais-je suggérer que le personnel de sécurité de l'Entreprise prenne part à l'enquête? Nous pourrons être capables de vous fournir une aide dont vos officiers auront besoin, comme..."
"Je comprends ce que vous essayez de dire", coupa court Anandra. "Vous voulez être certain que nous ne poursuivrons pas injustement votre officier. Je suis d'accord avec cela."
"Ministre!" essaya de contrecarrer l'assistant, lui valant un regard qui l'obligea au silence.
"Ministre, veuillez accepter mes excuses pour cette tragédie", déclara finalement Archer. Il aurait souhaité tendre la main mais se força à s'en abstenir. "Nous voulons comprendre le tréfonds de cette affaire autant que vous, et mon Premier officier a raison. Nous pourrions être capables de vous aider. Malheureusement, les miens ont une trop grande expérience de ce genre de cas. Nous avons enquêté sur nombre de mondes, y compris sur le nôtre. Je peux vous assurer que le fait que le suspect soit un membre de mon équipage ne nous influencera nullement. Nous ne voulons que la vérité, comme vous."
Anandra recula d'un pas, regardant un long moment la pièce que l'enquêtrice tenait. "Enquêtrice..."
"Sel, Madame", répondit l'autre femme gravement. "Navarra Sel."
"Vous ferez équipe avec..." Elle regarda Archer. "le Lieutenant Malcolm Reed. Découvrez ce qui s'est passé ici." Elle se retourna et regarda le jeune homme assis à côté, la tête dans les mains. "Capitaine, quand votre docteur aura terminé d'examiner votre homme d'équipage, acceptera-t-il de se soumettre à un sondage mental?"
T'Pol et Archer échangèrent un regard inquiet.
Anandra répondit à leur question latente. "Ils ne rechercheront aucun détail personnel, uniquement les informations touchant au meurtre."
Archer réfléchit un long moment avant de reporter son attention sur l'Enseigne. "Seulement s'il le désire. Je ne le forcerai pas contre sa volonté."
"Et nous ne conduirions jamais un tel sondage contre sa volonté", lui assura solennellement Navarra. "Même pas en ces circonstances."
 
******
 
"Réfléchissez bien, Rostov. Etes-vous sûr de vouloir faire cela?" Debout devant l'homme d'équipage, Reed croisa les bras et tourna la tête vers la Bétazoïde à ses côtés. "Elle entrera dans votre esprit. Vous n'aurez aucun moyen de lui dissimuler la vérité."
"Je vous l'ai dit, Monsieur, je n'ai pas tué cette femme!" insista Rostov, obstinément. "Je n'ai rien fait! Je ne sais pas ce qui est arrivé... Je... Je... Je ne peux pas... "Il leva la tête désespérément vers Navarra." S'il vous plaît, Madame, vous devez me croire, je ne peux pas me souvenir. J'ai essayé... Je ne peux pas..."
Reed demeurait sceptique tandis qu'elle tendait la main, compatissante mais visiblement malgré elle. "Je le sens", lui assura-t-elle. "Et je peux vous promettre... Je ne violerai aucun des secrets que vous pourriez détenir."
Il hocha la tête. "Je comprends."
"Lieutenant." Navarra tourna la tête vers Reed. "Je ne peux évidemment pas vous faire partager l'expérience, mais j'espère que votre homme sera capable de vous rapporter les souvenirs retrouvés. Que ce soit ainsi, ou bien qu'il nous mente, je le saurai."
Reed n'aimait rien de tout cela. L'idée que l'on permette à cette femme de s'immiscer comme elle le souhaitait dans l'esprit de quiconque, avec le risque potentiel qu'elle impose ses propres pensées pour l'incriminer...
"C'est la seule manière que nous connaissons", lui dit-elle doucement. "Et je regrette d'avoir à le faire."
"Etes-vous..."
Elle secoua la tête. "Je n'en ai pas besoin. Je vois à quoi vous pensez. Ce qui est dans vos pensées se lit sur votre visage." Elle soupira et se détourna de lui. "Une femme est morte et à moins que nous découvrions ce qui est arrivé, ce jeune homme sera blâmé et la vérité se transformera en colère."
"Elle a raison, Monsieur. Pour les négociations et tout le reste. Il y a trop de choses en jeu." Rostov se redressa et remonta les épaules. "Lançons l'opération avant que je devienne fou."
Navarra le regarda pendant un long moment. "Qu'est-ce qu'une endoscopie?" demanda-t-elle avec intérêt avant d'incliner la tête comme s'il lui avait expliqué. "Ce ne sera pas aussi désagréable, je vous l'assure. En fait, vous remarquerez à peine ma présence." Elle jeta un coup d'oeil par-dessus son épaule. "Voulez-vous que votre docteur assiste à la procédure? On m'a dit qu'il était prêt à intervenir en cas d'urgence."
"Il est juste à côté", lui confirma Reed. Phlox attendait dans la pièce voisine. "Votre Ministre Chal a suggéré que moins il y aurait de gens présents, mieux ce serait pour l'enquête."
L'enquêtrice hocha la tête. "Très bien, alors commençons."
Elle s'assit devant Rostov et ferma les yeux. Quelques instants plus tard, Rostov ferma à son tour les yeux, laissant Reed seul, observateur impatient. Quelque part, Harris devait sans doute bouillir de rage. C'était précisément ce contre quoi il l'avait mis en garde, une situation dans laquelle Reed restait à proximité d'une télépathe, et qui plus est douée, au dire de tous. Toute cette situation virait au désastre total, encore un autre à ajouter à une ligne déjà longue. En plus d'une mort tragique, des négociations sensibles étaient en danger. Il ne pouvait pas s'empêcher de penser au sabotage des cérémonies d'inauguration de la Base Stellaire Une. Ce cas était semblable, un événement important symbolisant des relations rapprochées entre espèces était menacé.
Frustré, il se força à se concentrer sur les notes qu'il avait prises. Selon le rapport de Rostov, il avait rencontré cette femme, Alixa Toras, sur un marché local. Il cherchait un cadeau pour sa mère et avait demandé conseil à la jeune femme, une étudiante. Alixa lui avait offert de lui faire faire le tour du bazar et des environs. Ils s'étaient promenés au bord du lac. Puis Rostov s'était réveillé, entouré de gens et sans aucune idée de ce qui était arrivé. Il ne se souvenait d'absolument rien et n'avait aucune explication sur la manière dont la femme avait été tuée. Mais les preuves et les témoins oculaires racontaient une histoire terrifiante. Tous rapportaient avoir entendu des cris de terreur dans leur esprit, et des images de ce qu'avait vu Alixa au moment de mourir. Une des images était l'uniforme de Rostov. Elle était floue, mais l'emblème qui le marquait comme membre de l'équipage de l'Entreprise était clairement visible, faisant de lui le principal suspect.
"Je ne comprends pas."
Le commentaire murmuré de Navarra tira Reed de ses pensées. Il leva la tête et la vit regarder fixement dans le vide, confuse. "Vous ne comprenez pas quoi?"
"Il ne se rappelle rien, comme il l'a dit." Elle fronça de nouveau les sourcils en se frottant les tempes. "Absolument rien."
"Dans ce cas, cela corrobore sa version", dit-il, découragé. Il avait espéré qu'elle trouverait quelque chose, au moins une certaine idée du rôle que Rostov avait joué dans la mort de la femme, en tant qu'observateur espérait-il. "Cela ne nous aide pas beaucoup, mais..."
"Non, vous m'avez mal comprise", l'interrompit-elle. "Il ne se rappelle vraiment rien. Il devrait y avoir les bribes d'images, ou des sensations de souvenir, quelque chose. L'esprit ne peut pas être aussi vide, à moins que... "Elle inspira profondément et releva la tête." A moins qu'il n'ait été intentionnellement effacé."
 
******
 
Dans l'infirmerie, le regard d'Archer passa de son chef de la sécurité à son médecin et inversement. "Vous me dites que sa mémoire a été effacée, délibérément effacée?"
"Oui, Monsieur", répondit Reed en hochant la tête. "Madame Sel a réexaminé son esprit pour être certaine. Elle a appelé un certain nombre de médecins plus expérimentés qu'elle dans ce domaine pour le confirmer. Ils sont tous d'accord. Le temps pendant lequel Rostov aurait été le témoin du crime est vierge de souvenirs. Trop vierge pour être le résultat d'un choc ou de drogues. Juste pour être sûr, le docteur Phlox et l'un de leurs médecins ont effectué d'autres essais. Ils analysent actuellement des échantillons de sang à la recherche de drogue. Phlox a même effectué quelques scans du cerveau pour rechercher des signes de manipulation."
"Ni eux ni moi n'avons trouvé quoi que ce soit dans son système qui indiquerait qu'il a été drogué." Phlox appuya sur une commande pour faire apparaître le rapport sur l'écran au-dessus de leurs têtes. "Monsieur Rostov est en parfaite santé compte tenu du choc de l'incident, bien sûr."
"Cela ne le blanchit pas entièrement, bien sûr", soupira Reed. "Mais cela indique que quelque chose d'autre est arrivé et que quelqu'un d'autre était présent, quelqu'un qui a délibérément manipulé les souvenirs de Monsieur Rostov pour qu'il ne soit pas capable de repenser exactement à ce qui est arrivé."
"Un Bétazoïde." Le capitaine s'avança pour mieux lire le rapport. "T'Pol serait la seule autre personne capable de faire une telle chose, mais elle est restée avec nous durant tout ce temps." Il baissa la tête. "La ministre Chal ne va pas être contente."
"Vous avez tout à fait raison, Capitaine", fit Anandra depuis les portes de l'infirmerie. "Je ne suis pas contente. Je suis ulcérée." Elle regarda autour d'elle dans la pièce avec une curiosité non restreinte en s'approchant d'eux. Archer se rappela qu'ils avaient prévu une visite du vaisseau aujourd'hui même, afin de faire une pause dans la rigueur des pourparlers. "Une personne de mon peuple s'est rendue coupable de falsifier les souvenirs et l'esprit d'un de vos hommes d'équipage. Des actes vraisemblablement commis pour dissimuler un crime virtuellement inconnu sur notre planète." Elle était triste. "Je suis désolée que vous soyez impliqués dans ceci."
"Vous n'êtes pas la seule, Ministre", répondit Archer. "Cela n'aurait jamais dû arriver. De notre part à tous... je vous adresse nos excuses."
"Que nous soyons tous désolés, Capitaine Archer", reprit Anandra en remontant les épaules, "ne suffit pas. L'impact sur les relations entre nos deux planètes pourrait être désastreux. Et je ne parle pas de la justice que nous devons rendre pour la victime et pour votre homme. Il semble que nous devions désormais choisir entre le feu et l'eau, mais pas de la façon dont nous l'aurions espéré."
Archer comprit ce à quoi elle se référait. Ils avaient passé le dîner de la veille à discuter de ce concept. Toute personne devait, à un moment de sa vie, faire un choix. Soit suivre la voie brûlante du feu, celle de la colère et de l'impatience, ou bien la voie tranquille de l'eau, calme et réfléchie. "Cela semble sage", lui accorda-t-il d'un ton grave. "La question est, Ministre, quel choix ferons-nous ... et lequel ferez-vous?"
"Vous me demandez si je crois votre homme coupable de ce crime, ou bien l'un des miens?" Elle ferma les yeux un bref instant. "Une partie de moi prie pour que Monsieur Rostov soit coupable, mais une autre pense ardemment le contraire, sachant ce que cela signifierait pour mon peuple. Mais par dessus tout, je ne peux pas ignorer l'impact que l'un ou l'autre des résultats aura sur les relations entre nos mondes. Madame Pike et moi avons parlé en détail de ce sujet. Nous sommes d'accord, quelle que soit la voie choisie, les dégâts seront considérables."
"Mon peuple appelle cela être coincé entre le marteau et l'enclume."
Anandra sourit tristement. "Mots sages et très adaptés à la situation. Mais peu importe le résultat, il y aura toujours des gens qui insisteront pour dire que ce ne serait pas arrivé si les vôtres n'avaient pas été présents."
"Et vous?" demanda Phlox, rappelant aux deux chefs qu'ils n'étaient pas seuls.
Elle se tourna vers lui. "Je pense que ce crime est opportuniste. Votre personnel était une cible commode. Il est dur de croire que quelqu'un puisse tuer dans une société qui a pour fondement la tolérance et la paix. C'est plus qu'un meurtre, c'est une violation d'un esprit et d'une volonté. C'est une tache obscène qui ne pourra pas être effacée. "Soupirant, visiblement secouée par ses propres paroles, elle regarda Reed. "Navarra m'a rendu son rapport comme vous le savez. Elle souhaite vous inviter à l'accompagner quand elle rencontrera la famille de la victime. Ma navette personnelle est mise à votre disposition. Je ne quitterai pas votre vaisseau tout de suite." Elle releva la tête, un geste universel d'obstination. "Madame Pike et moi avons fort à faire en négociations."
Il sembla étonné. "Vous avez l'intention de continuer les réunions ?"
"Je ne permettrai pas à un tel acte de mettre en danger l'avenir de mon peuple, Capitaine Archer. L'enquête est dans les mains de personnes compétentes et, si tout ce que je peux faire est de rester assis en attendant leurs résultats, alors je n'ai pas l'intention de gaspiller ce temps."
Pendant un instant, Archer fit abstraction des devoirs de sa position et de la situation pour admirer la femme qui se cachait derrière la ministre. Anandra Chal lui apparaissait au plus mauvais moment de sa carrière, mais elle s'accrochait avec tout ce qu'elle avait et gardait une énergie et une force sans défaut. La détermination qu'elle montrait était impressionnante.
"Ministre, si votre peuple possède ne serait-ce qu'une fraction de votre force..." Il lui fit signe de le précéder. "Je crois que la salle de conférences nous attend."
 
******
 
"Enquêtrice!"
Quand Reed émergea de la navette de la ministre, l'air chaud et parfumé le frappa presque physiquement. Il trouva Navarra qui l'attendait, une expression sinistre sur le visage. "Vous n'avez pas l'air heureuse", lui dit-il en lui emboîtant le pas pour s'éloigner de la piste d'atterrissage en direction du spatioport.
Ses traits s'adoucirent et elle voulut s'excuser. "Je suis désolée. Je ne me réjouis pas de cette réunion. J'ai passé la matinée à examiner les derniers événements de la vie d'Alixa Toras et je suis troublée par ce que j'ai trouvé." Elle lui passa un fichier. "Une fille assez agréable, mais quelques problèmes ont été notés dans sa famille."
"Ils ont été inondés", fit-il remarquer en regardant le rapport. "Cela a endommagé la ferme dirigée par son père."
"Non, pas endommagé, mais anéanti." Ils sortirent du spatioport, un véhicule les attendait sur le parvis. "Les pluies sont normales en cette saison là, mais elles n'ont jamais été aussi fortes que l'année dernière. J'ai de la famille dans le secteur." Montant dans la voiture, elle raconta l'histoire de la faillite de la ferme de la famille Toras et leur bataille pour la reconstruire. "Elle s'est installée à Rixx pour vivre avec la soeur de son père le temps de finir ses études, en laissant derrière elle son fiancé."
"Ce qui, d'après mon expérience, ne finit jamais bien", murmura Reed en remarquant à peine que la voiture s'élevait de terre pour atteindre rapidement une grande vitesse.
"J'imagine que c'est une constante universelle", lui accorda Navarra tristement. "L'Imzadi ne devrait jamais être source de tragédie. Le scénario commence à se former dans mon esprit, Lieutenant Reed. S'il se confirme, c'est l'antithèse de ce à quoi mon peuple tient le plus chèrement."
"Oui, l'Enseigne Sato a mentionné ce terme hier soir. J'avoue que je n'ai pas entendu tout ce qu'elle a dit à ce sujet." Reposant le fichier, il se tourna vers elle et la fixa du regard, dans l'attente de ses explications.
Navarra haussa les épaules. "C'est parce qu'il y a tant à dire sur le sujet que l'on ne pourra jamais tout écouter." Elle se pencha en avant pour vérifier la progression du véhicule, communiquant apparemment de manière silencieuse avec son conducteur. Elle se redressa et regarda Reed. "L'Imzadi est quelque chose que chaque Bétazoïde espère rencontrer et vivre avant de mourir. Certains disent que l'Imzadi est l'unique amour qui atteigne vraiment l'âme. Et certains disent que l'Imzadi est l'âme elle-même. Je dis que l'Imzadi est toutes ces choses à la fois et plus encore. Mais quoi que ce soit vraiment pour nous, quand un Bétazoïde rencontre l'Imzadi, il est impossible de le nier ou de s'en échapper, même pour ceux qui essayent."
"Et la victime a essayé?"
"Non." Elle secoua brièvement la tête. "Non, excusez-moi, je ne me suis pas fait comprendre, je n'ai pas l'habitude des explications à haute voix. Son fiancé n'était pas son Imzadi. Non, elle a trouvé l'Imzadi quand elle est arrivée ici à Rixx. Sa tante m'a dit qu'Alixia avait rencontré quelqu'un qu'elle pensait être l'Imzadi et qu'elle avait contacté son père pour le lui annoncer. Son père avait arrangé son mariage avec son fiancé et sa tante pense qu'Alixa voulait son approbation pour rompre sa promesse. Ce qu'elle ne sait pas, c'est la réponse qu'a donné son fiancé en apprenant la nouvelle. C'est ce que nous allons découvrir."
Reed parcourut le fichier, cherchant des informations sur le fiancé d'Alixa. C'était un sculpteur à la mode qui s'appelait Abraxas Grax. Apprendre que votre fiancée en aimait un autre était certainement un mobile. "Et quand nous le saurons?"
"Nous découvrons si mes soupçons sont vrais ou non." Elle semblait fatiguée. "Pour l'amour de nos deux mondes, j'espère avoir raison, mais..."
"Mais pour l'amour de votre monde, vous espérez avoir tort." Reed comprit. "Je me trouve dans une position semblable, Madame Sel, je souhaite pour l'amour de mon monde que vous ayez raison et à l'inverse, pour Monsieur Rostov et les négociations, que vous ayez tort. La solution n'existe pas. Quelqu'un va devoir en payer le prix. Et à travers lui, nous aussi."
 
******
 
"Vous avez un beau monde, Ministre."
Anandra détourna son regard de la fenêtre de la salle de conférences et le regarda avec un sourire fierté mais tristesse. "Je suis d'accord avec vous."
Archer la rejoignit et lui tendit une tasse de café fumant. Il la regarda la porter à sa bouche pour en absorber une petite gorgée, une expression curieuse sur son visage. "Attention", l'avertit-il alors qu'elle repoussait brusquement la tasse de ses lèvres. "C'est encore très chaud."
"Qu'est-ce que c'est?"
"Du café. C'est très prisé sur Terre." Il sourit. "Tout comme sur mon navire."
"C'est une boisson des plus particulières", remarqua-t-elle avant d'en boire prudemment une petite gorgée. "Amer, mais pas désagréable. Je pense que je pourrais m'y habituer." Soupirant, elle se retourna pour regarder la planète sous ses yeux. "Pensez-vous que votre monde est aussi beau que le nôtre, Capitaine Archer?"
"Pardonnez mon arrogance, Ministre, mais je pense qu'il est encore plus beau." Il lui adressa un sourire et en reçut un autre en retour. "Ce qui doit probablement être la réponse de toute personne quand on lui pose cette question."
"Cela doit être vrai", lui accorda-t-elle. "J'aimerais voir votre monde un jour et en décider par moi-même."
"Quand cette affaire sera réglée, je pense qu'on pourra arranger cela. Vous nous avez montré votre monde, nous serons enchantés de vous montrer le nôtre."
"Quand cette affaire sera réglée, Capitaine, je ne suis pas sûre que nos mondes aient encore ne serait-ce qu'un contact."
Il s'arrêta, abasourdi par ses paroles. Il se retourna et la regarda dans les yeux. Il pensait que les négociations se passaient pour le mieux. La journée s'était déroulée de manière constructive, à discuter de procédures d'échanges. "Vous pensez que ça tournera si mal?"
"Je pense que la honte sera terrible." Anandra tourna le dos à la fenêtre et fit lentement le tour de la table, faisant doucement glisser le bout de ses doigts sur la surface lisse de l'encadrement. "Navarra m'a fait part de ses soupçons avant que je ne monte à bord. Je n'ai rien dit jusqu'à maintenant parce qu'elle m'a demandé de lui laisser le temps de confirmer ses dires. Je ne dirai rien pour le moment, mais je vais vous dire ceci. Si elle a raison, la honte retombera sur mon peuple pour la trahison et les crimes d'un des nôtres. Il n'est pas dans notre nature de mentir et d'accuser quelqu'un d'autre pour nos actions. Le mensonge est inimaginable. Le meurtre est inimaginable."
"Ministre, votre peuple ne peut se blâmer des actions d'une seule personne, pas plus que ne le peut le mien. Chacun fait ses propres choix et est responsable des conséquences de ses actes. Les destins de deux mondes ne devront jamais reposer sur les erreurs d'une personne, que cette personne soit humaine ou Bétazoïde."
Elle reposa sa tasse, visiblement prête à dire autre chose, le fixant du regard, mais la sonnerie du communicateur d'Archer l'en empêcha. Elle hésita un instant, ses yeux cherchant d'un côté et de l'autre. Il se rendit compte qu'elle était en train d'écouter, qu'elle entendait au-delà de la pièce. "Ils sont ici", fit-elle.
Il sortit l'appareil de sa poche et l'ouvrit pour ouvrir le canal. "Ici Archer."
"Le Lieutenant Reed et l'enquêtrice Sel sont ici, Monsieur", annonça Sato. "Ils ont amené quelqu'un avec eux. Je vous les ai envoyés dans la salle de conférences comme demandé."
"Très bien. Envoyez aussi le Commandant T'Pol. Je veux qu'elle vienne aussi. Archer terminé." Il ferma le canal et se retourna vers la ministre. "Vous avez raison."
Elle avait l'air très grave. "Et je le regrette."
Il la regarda prendre place à la table, croiser les mains devant elle et redresser le dos. Tout en n'ayant jamais cessé d'utiliser leurs titres, il avait eu parfaitement conscience du fait qu'ils étaient tous deux détendus jusqu'à maintenant. Cet état de grâce avait disparu désormais. En l'observant, il eut le sentiment qu'elle savait quelque chose qu'il lui restait encore à découvrir. Quoi que ce soit, il éprouva de la tristesse pour elle.
 
******
 
L'homme que Navarra et Reed escortèrent dans la salle de conférences avait l'air d'une créature pitoyable, mais Archer n'éprouva aucune pitié pour lui. Il assumait la responsabilité des troubles qui avaient éclaté sur la planète et était coupable de la mort d'une femme innocente.
"Ministre, Capitaine, voici Abraxas Grax." Reed désigna l'homme dépité devant eux. "C'était le fiancé de la victime jusqu'à la semaine dernière, Monsieur." Il pencha la tête vers sa collègue Bétazoïde puis vers leur prisonnier. "Elle a voulu rompre leur engagement parce qu'elle avait rencontré quelqu'un qu'elle croyait être..." Il regarda de nouveau vers Navarra, incertain de devoir utiliser le mot ou non. Il semblait avoir une signification au-delà de ce qu'il pouvait imaginer et évoquait une émotion forte pour les Bétazoïdes.
"Elle avait trouvé l'Imzadi, Ministre", le coupa Navarra. "Un artiste qu'elle avait rencontré dans la ville."
Anandra soupira et hocha la tête. "Alors vos soupçons étaient vrais."
"Oui, Ministre", lui répondit Reed. "Voyez-vous, Capitaine, quand il a découvert cela, Monsieur Grax, euh...J'ai bien peur qu'il ait perdu l'esprit et tout sens de la mesure. Il est venu en ville avec l'intention de convaincre sa fiancée et, quand il est arrivé, il a eu le malheur de la découvrir avec Monsieur Rostov."
Le capitaine baissa la tête, voyant déjà où cette histoire menait. La ministre Chal fit de même. "Continuez, Monsieur Reed", l'incita-t-il, d'une voix plus posée que Reed ne se sentait lui-même. "Nous vous écoutons."
"Et bien, Monsieur, d'après ce que cet homme affirme, les choses se sont envenimées entre Abraxas et Alixa, et Monsieur Rostov a essayé de les calmer. Monsieur Grax ne se rappelle pas tout à fait comment il a réagi, mais il a neutralisé Monsieur Rostov. La chose suivante dont il a conscience de se souvenir, c'est que la femme était morte et Monsieur Rostov inconscient."
"A cet instant", continua Navarra, "il a compris qui votre homme était et il s'est affolé. L'uniforme, vous comprenez. En comprenant ce qu'il avait fait, Grax est entré dans son esprit et a effacé toute les preuves de ce qu'il avait fait pour que Monsieur Rostov ne puisse pas l'accuser. Il n'a pas pensé à ce moment que ses actions se répercuteraient sur les négociations, ni qui apparaîtrait coupable quand on découvrirait le corps. Il s'est simplement enfui et a essayé d'effacer toute trace de son voyage dans la cité."
Reed reprit la parole. "Quand la polémique au sujet du meurtre de Madame Toras a éclaté au plus haut niveau, Capitaine, il a cru qu'il avait non intentionnellement réalisé le meurtre parfait. Monsieur Rostov était le parfait coupable, étranger, capable de meurtre. Le meurtre d'une Bétazoïde par un étranger stigmatisait la foule et au moment où quelqu'un se mettrait à penser différemment, toute chance de découvrir la vérité serait effacée depuis longtemps. "Reed sourit jaune." Il semble qu'il n'ait absolument pas envisagé les répercussions de son acte."
"Ce n'est pas la seule chose pour laquelle il ait eu peu de considération", l'interrompit la Ministre Chal, la colère transparaissant dans sa voix. "Regardez-moi", commanda-t-elle à Grax en se levant. Alors qu'il hésitait, elle le fixa des yeux. Grax releva brusquement la tête comme si on lui avait donné une claque magistrale. Reed n'avait aucune idée de ce qu'elle avait projeté dans son esprit pour obtenir cette réaction, mais à l'expression qui traversa le visage de Navarra, cela ne devait pas être plaisant du tout. "Comment pouvez-vous ne pas comprendre la gravité de ce que vous avez fait? Votre ignorance vous fait honte comme elle nous fait honte à tous. Vous avez pris une vie et failli en anéantir une autre par les conséquences de vos actes. Tous les Bétazoïdes porteront la marque de vos actes auprès des étrangers et tout ce dont vous vous êtes inquiété, c'est de votre propre peau?" Elle se détourna de lui dédaigneusement. "Emmenez-le hors de ma vue."
Reed regarda son capitaine en attente de ses ordres et vit la gravité de son regard. "Monsieur?"
"Escortez l'enquêtrice Sel avec le prisonnier", répondit Archer. "Il est entre les mains de la justice Bétazoïde, désormais. Nous vous rejoindrons quand nous seront prêts. Entrez en contact avec l'Enseigne Sato et signalez-lui votre position."
"Oui, Monsieur." Reed saisit le jeune homme par un bras, Navarra faisant simultanément de même avec l'autre. Ensemble, ils l'extirpèrent jusqu'à la porte. ils s'arrêtèrent pour que Reed puisse ouvrir la porte. Il saisit alors le geste du Capitaine à la ministre. Il posait une main sur son épaule en un geste complètement différent de celui que Navarra et lui venait de faire. Navarra ne manqua pas non plus ce moment. Elle lui adressa un léger sourire avant qu'il ne franchissent ensemble la porte, le prisonnier entre eux deux.
L'espoir régnait à nouveau entre leurs deux mondes.
 
******
 
"Journal du bord du Capitaine, suite. l'USS Columbia est arrivée pour ramener la délégation commerciale sur Terre, accompagnée d'une nouvelle personnalité de taille. Etant donné la situation impliquant le meurtre et l'inculpation de l'homme d'équipage Michael Rostov qui s'en est suivie, la Ministre Anandra Chal a nommé l'ancienne enquêtrice Navarra Sel premier ambassadeur officiel de Bétazed sur Terre. C'est la ministre Chal et le gouvernement Bétazoïde qui ont décidé de faire travailler Madame Sel avec le Lieutenant Reed. Son expérience professionnelle dans leur gouvernement a démontré qu'elle avait la capacité et l'aptitude qui convenait à un tel poste. On peut se poser quelques questions sur son inexpérience dans des affaires étrangères à son monde, mais la ministre et moi sommes d'accord pour dire que nous avons beaucoup à apprendre, et que la galaxie ne nous laissera pas beaucoup de temps pour le faire. Nous sommes ici aujourd'hui et nous devons faire en sorte que tout fonctionne, que nous aimions la façon dont nous le faisons ou non.
"Personnellement, j'espère retourner un jour sur Bétazed, malgré notre première mission cahoteuse. Nous avons beaucoup à apprendre de ces gens et ils en ont autant à apprendre sur nous. Franchement, je suis impatient d'apprendre de telles leçons."
Fin de l'épisode.
 
   
 
RETOUR HOMEPAGE
(Retour homepage)
Star Trek and all its related marks are trademarks of Paramount Pictures. No Infringement Intended.