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Bon baisers de Proxima. 3, preparatifs de guerre
 
Ecrit par : Kylie Lee
Traduit par : Laurent
V.O. publiée le 01 avril 2006
V.F. publiée le 04 mai 2007
 
            Bon baisers de Proxima. 3, preparatifs de guerre
 
"Quiconque aidera les Humains sera considéré comme un ennemi de l'Empire Stellaire Romulien", dit Zei Sak. Elle répétait l'avertissement des Romuliens diffusé quelques minutes avant que leur tir détruise la structure qui avait accueilli les négociations commerciales.
Le Capitaine Jonathan Archer regardait la déléguée Centaurie avec colère. Il n'avait pas dormi des vingt dernières heures écoulées depuis l'attaque. La seule raison pour laquelle il se trouvait ici et maintenant était parce que son Premier officier, le Commandant T'Pol, avait insisté pour qu'il assiste à cette réunion de leurs hôtes Centauris, alors que l'Entreprise avait lui-même essuyé l'attaque mortelle de ce vaisseau selon toute vraisemblance Romulien et subi de lourds dommages. Près d'un quart des membres d'équipage était mort, et le bilan aurait pu être encore pire, pensa Archer en colère, si beaucoup n'avaient été absents du vaisseau en permission ou en visites officielles. La plupart des survivants étaient blessés. Il était trop épuisé pour éprouver autre chose que de la colère. Sa place était à bord de son navire, attentif aux réparations, plutôt qu'à cette réunion inutile, à écouter les délégués survivants se menacer et se plaindre.
"Et comme il est... convénient que vous et vos collègues aient été absents lorsque le centre des négociations a été attaqué", lançait le commandant Shran. L'Andorien repoussa la main de Jhamel, sa collègue Aenar, qui voulait le calmer.
"On pourrait en dire de même pour vous", répondit abruptement l'autre Centauri, Anun Osoko. "Je vous rappelle que nous avons perdu Saan Phal, l'un des avocats les plus célèbres de notre peuple, et l'un de nos leaders."
Phal, le Centauri qui avait dirigé les pourparlers d'une poigne de fer, préparait la séance suivante des négociations lorsque le vaisseau Romulien s'était démasqué dans l'atmosphère et avait fait feu sur le bâtiment. Lui et presque tous les autres délégués présents dans les lieux avaient été tués. Deux des morts étaient des membres de la famille du docteur Phlox de l'Enterprise, son épouse Alora et l'un de ses maris, Card. Phlox était actuellement en grand état de choc, apparemment submergé par sa peine. Des arrangements avaient été pris pour le ramener sur la Triaxe Dénobulienne aussi vite que possible.
"Une grande perte, en effet", fit Soval, le délégué Vulcain. "Mais n'oublions pas qui a le plus souffert."
Archer leva la tête, surpris du soudain silence. Soval parlait d'eux, bien-sûr, mais il lui fallut une seconde pour s'en rendre compte. "Tout ceci est futile", dit-il en reculant sa chaise pour se lever. Il sentait l'animosité et la tension dans la pièce, et cette fois, ce n'était pas simplement entre les Andoriens et les Tellarites. Il tourna la tête vers Sak. "Vous disiez? Non, laissez-moi le dire à votre place. Vous voulez que la Terre se retire des négociations." Sak baissa les yeux, et Archer se retourna pour s'adresser à toute la salle. "Nous avons perdu la Triaxe Dénobulienne", rappela-t-il. "Nous avons perdu les Boomers. Nous avons perdu Tellar. J'ai perdu dix-huit membres d'équipage. Les Romuliens essayent de rompre ces pourparlers parce qu'ils pensent que si nous travaillons ensemble, nous serons une menace pour leur puissance." Tout en parlant, Archer les fixa l'un après l'autre d'un regard noir. "Et bien, je dis que si nous faisons quelque chose qui les rend fous, alors nous faisons quelque chose de bien. Ces négociations doivent aller de l'avant. Nous devons trouver un nouvel emplacement et les reprendre avec de nouveaux délégués."
"Proxima du Centaure se retire des négociations avec la Terre." La voix de Sak se voulait une proclamation formelle. "En outre, nous abrogeons tous les contrats commerciaux existants, à effet immédiatement, et notre ambassadeur sur Terre a été rappelé."
"Mais qu'est-ce que vous imaginez", commença Archer, coupant la parole à Soval qui disait, "je ne crois pas..."
Sak haussa la voix pour les faire taire. "Je vous dis cela par courtoisie. L'annonce officielle vous parviendra d'un moment à l'autre du gouvernement de la Terre par le canal approprié." Elle jeta un coup d'oeil vers Shran dans l'expectative, visiblement au courant d'autre chose.
"Andoria se retire aussi", dit Shran à contrecoeur. "De même que Tellar et la Triaxe Dénobulienne."
Archer, assommé par cette trahison, regarda Shran dans les yeux. Jhamel prit la parole. "Nous avons reçu des communiqués de Tellar et de la Triaxe Dénobulienne avant cette réunion." Elle énonçait un fait, sans aucune trace d'excuse dans la voix.
"Vous... Vous me dîtes qu'Andoria, la puissante Andoria, se laisse intimider par une race d'êtres qu'elle n'a jamais seulement vue?" rétorqua Archer, ouvertement furieux. "Qu'est-il arrivé aux Andoriens guerriers courageux et inflexibles?"
"Peut-être n'avez-vous pas remarqué la technologie de camouflage des Romuliens, ou leur capacité à s'immiscer furtivement sans effort dans des secteurs fortement protégés de l'espace", précisa Shran.
Archer se retint de répondre. Il comprenait très bien comment les Romuliens y étaient parvenus. Les Centauris les avaient invités. "Alors... j'imagine que les entretiens continueront, mais sans la Terre?" dit-il ironiquement. Le grand gagnant était visiblement Proxima du Centaure.
"C'est très probable", fit Sak en regardant Archer dans les yeux. Elle avait pris un air triomphant.
Soval se redressa. "Vulcain soutient la Terre. Tous les contrats entre nos deux mondes demeureront en vigueur."
"Merci", dit Archer à voix basse. Les négociations et tout ce qu'elles symbolisaient, non seulement la paix, mais aussi l'expansion économique et diplomatique sans précédent entre de nombreux mondes, viennent juste de disparaître, tout cela à cause des menaces d'un agresseur invisible. C'était une grave erreur. Même fatigué comme il l'était, Archer était certain de lui. Il parla calmement. "Vous vous rendez compte que c'est un moment crucial. Le moment que vous regarderez dans cinq ou dix ans en regrettant amèrement votre décision."
"Est-ce une menace, peau rose?" demanda Shran d'un ton colérique. "Parce qu'Andoria partage le sentiment des Romuliens de limiter l'expansionnisme de la Terre."
Archer secoua la tête. Il n'avait pas voulu que cela tourne aussi mal. "Non, ce n'est pas une menace", dit-il l'air défait. "C'est un fait. Nous avons tous ici-même, en ce moment-même, rendu les Romuliens nerveux. C'est exactement pour cela que nous devons rester ensemble. Ce n'est que dans une alliance unie que nous pouvons les contrer."
"Mais nous ne souhaitons pas... les contrer", comme vous dites", précisa Jhamel. "Nous souhaitons vivre en harmonie avec nos voisins. Nous avons reçu un avertissement, et nous avons décidé d'en tenir compte."
T'Pol prit la parole pour la première fois depuis le début de la réunion. "Vous avez décidé d'en tenir compte parce que de nouveaux privilèges économiques ont été accordés à Andoria." Elle se pencha en avant alors que Shran se préparait à opposer un démenti. "Vous oubliez sûrement l'étendue des relations de Vulcain. J'ai reçu des informations en ce sens... d'amis qui sont bien placés pour savoir cela."
"Shran." Archer cracha ce nom comme s'il s'agissait d'une trahison. Mais ce dernier lui tourna le dos, Jhamel lui posant une main sur le bras en guise d'appui. L'absence de démenti de Shran confirma ce qu'avait dévoilé T'Pol.
Sak reprit la parole d'une forte voix pour regagner le contrôle de la situation. "J'ai peur que l'Enterprise et tous les autres navires de la Terre ne soient plus les bienvenus dans notre espace. Vous devriez prendre des arrangements pour partir immédiatement."
T'Pol était mécontente. Le propre calme d'Archer contrastait d'autant avec ses efforts pour n'en rien montrer. "Un vaisseau Vulcain raccompagnera l'Enterprise jusqu'à la Terre", déclara-t-elle. "Notre ingénieur en chef, le commandant Tucker, est absent. Nous devons le retrouver avant de repartir."
Sak secoua la tête. "Je ne veux pas que ce vaisseau de guerre revienne, et le message était tout à fait clair. Tous les vaisseaux et les gens de la Terre doivent sortir de l'espace Centauri dans les trois jours."
Archer n'en croyait pas ses oreilles. "Nous avons donc quelques plus de jours. Nous devons stabiliser l'intégrité de la coque du vaisseau avant de pouvoir être remorqués." Archer regrettait profondément l'absence de Tucker. Non seulement il s'inquiétait pour la santé de son ami, mais son expertise des systèmes du vaisseau manquait cruellement à l'Enterprise dans son état actuel. Il continua. "Nous partirons dès que nous pourrons le faire. Nous respecterons la date limite des Romuliens." Il mit l'accent sur 'Romuliens' pour indiquer que les Centauris n'étaient pas ceux qui avaient exigé cela. Quel genre d'arrangement avaient-ils conclu? Tout ce dont Archer était certain, c'était que les Centauris finiraient par se mordre les dents d'avoir pris une telle décision.
"Je regrette cette nécessité." Sak se leva, salua de la tête discrètement et sortit, suivie de son aide.
Archer se rassit et regarda la salle. Il ne restait plus que Shran, Jhamel, Soval et T'Pol. Tous les autres avaient été tués. Shran et Jhamel avaient été retardés, résultat d'une réunion de déjeuner qu'ils avaient eue avec les Tellarites et Phal. Ils avaient observé l'attaque depuis leur restaurant, à distance. Archer et T'Pol auraient aussi été tués si Reed n'avait pas pressenti l'attaque et ne les avaient entraînés dehors à toute vitesse.
"Je ne pensais pas qu'Andoria plierait aussi facilement", dit amèrement Archer pendant que Shran et Jhamel se levaient, prêts à partir. A ses côtés, T'Pol aidait son aîné, Soval, apparemment malade, tout en échangeant quelques mots.
"Et je ne pensais pas que vous confondriez mes responsabilités avec mes sentiments personnels", répliqua Shran.
"Nous vous devons tellement, capitaine", s'interposa Jhamel avant que Shran et Archer n'aient l'occasion de s'affronter plus durement. "Et nous aimerions, Shran et moi, vous demander de faire quelque chose pour nous. Pas pour Andoria."
"Quel genre de chose?" demanda Archer, curieux.
"Nous souhaitons que quelque chose commence dans cette atmosphère de fin." Jhamel passa son bras sous celui de Shran. "Nous souhaitons venir à bord de l'Enterprise pour que vous célébriez notre mariage."
Archer eut besoin de quelques secondes pour comprendre et réagir à ce qu'elle venait de dire. "Vous voulez que je vous marie?" La demande, après une telle trahison, semblait ridicule.
"Vous avez cette compétence, n'est-ce pas? Selon vos coutumes?"
"Oui", admit Archer.
"Alors vous nous marierez, ainsi quelque chose de bon sortira de cette journée." Jhamel hocha la tête, décidée, comme si tout était réglé.
"Pensez au symbolisme", fit Shran, une pointe d'ironie dans la voix. "Un puissant guerrier Andorien et un puissant négociateur d'Aenar, debout sur la passerelle d'un vaisseau meurtri par un ennemi coriace, prêts à être unis par un ancien allié. Je sais que ce sera un jour dont je me souviendrai le reste de ma vie."
Malgré lui, Archer rit. Shran ne changerait jamais. "D'accord. En souvenir du bon vieux temps."
"En souvenir du bon vieux temps", répéta Shran.
 
******
 
Le lieutenant Malcolm Reed, bras croisés, examinait les dernières données sur une console du complexe de construction navale en orbite autour de Centauri. Le chef ingénieur de l'Enterprise, également son ami, Trip Tucker, avait été téléporté la veille, et Archer avait chargé Reed de récupérer Tucker. Reed était parvenu à pénétrer dans le complexe juste avant que la police n'arrive, quoiqu'il ait dû quitter la scène de l'explosion sur Proxima du Centaure pour y arriver. Il était parvenu à recueillir des informations et, plus important encore, à gagner les bonnes faveurs de la police Centaurie avant que tout ne dégénère. Reed avait des moyens technologiques supérieurs à ceux de la police locale et leur avait proposer de partager ses informations librement avec eux, tout du moins était-ce qu'il leur avait fait croire.
"Lieutenant?" demanda Jessy Giordano, une femme de son équipe de sécurité, hésitante.
"Quoi?" Reed releva la tête, momentanément surpris. Il n'avait quasiment pas dormi depuis l'attaque. "Désolé, Giordano. Je venais juste d'obtenir les données du rapport sur le trafic orbital." Ils avaient retrouvé des traces de la téléportation et espéré en déduire une triangulation avec un vaisseau, même si désormais, le vaisseau en question pouvait bien être déjà loin. Si Reed avait été responsable de l'enlèvement, il aurait sauté en distorsion immédiatement après avoir téléporté Tucker... En supposant bien sûr que l'enlèvement de Tucker fut le seul objectif, sans rapport avec l'attaque. Il jura intérieurement. "Tout ce qui se trouve en orbite autour de Proxima est enregistré", dit-il à Giordano en montrant la carte. "Ce sont les données des heures entourant le moment de l'attaque." Tucker avait été téléporté une minute ou deux à peine avant que le vaisseau Romulien n'attaque l'Enterprise puis le siège des négociations. "Nous devrions être capable de savoir qui a enlevé le Commandant Tucker en épluchant les sursauts d'énergie."
Giordano se pencha et scruta Reed, les sourcils froncés. "Mais comment? Cette information n'a pas été enregistrée."
Reed sourit. "Ah, mais si." Il sortit sa tablette informatique et saisit les données de la console. "Toutes sortes d'autres informations en rapport avec les dépenses d'énergie ont été enregistrées, il nous suffit juste d'y faire le tri." Il tapa quelques commandes sur sa tablette, et une seconde plus tard, la constellation de vaisseaux sur l'écran se transforma en gouttes lumineuses. "Laissez-moi juste éliminer..." Reed retira certaines fréquences électromagnétiques et en amplifia d'autres.
"Pas mal", fit Giordano en lui souriant, tandis que l'écran éliminait des centaines de gouttes blanches pour n'en plus laisser que six. "Pouvez vous faire apparaître les noms des vaisseaux?"
"Bien sûr." Reed relia les codes des transpondeurs aux noms des vaisseaux. "Voilà."
Giordano sortit sa propre tablette. "Procédons par élimination logique." Giordano était responsable de la recherche des vaisseaux. Elle avait annoncé à Reed plus tôt qu'elle en savait plus sur les vaisseaux, spécifications, équipages,..., que n'importe qui d'autre.
"Je ne crois pas que nous en aurons besoin", dit Reed. L'un des noms l'avait frappé. Il le toucha du doigt. "Le Fortitude. Voilà notre première cible."
Giordano le regarda, visiblement confuse. "C'est un vaisseau Boomer", dit-elle. "Ce sont nos alliés."
"Je sais. Je m'occupe du Fortitude, et je vous laisse vous occuper des autres à votre convenance."
"Bien, Monsieur." Giordano mourait visiblement d'envie que Reed lui explique ce qu'il avait en tête, mais ce dernier n'était pas d'humeur à le lui révéler. Le Fortitude avait rencontré un vaisseau Klingon quelques jours avant d'arriver sur Proxima, étrangement quelques jours seulement après que Reed et Tucker aient également croisé le chemin d'un vaisseau Klingon. Reed était persuadé que des informations cruciales, qui avaient été enfouies dans l'esprit de Tucker, avaient été sans doute extraites pendant leur rencontre avec les Klingons, puis données par eux à quelqu'un à bord de ce vaisseau... C'était également, avant qu'elle ne meure dans l'attaque, le vaisseau de la déléguée Jacqueline Kearney. Il y avait beaucoup trop de coïncidences entre ces faits pour qu'il les ignore.
"Monsieur!" L'autre membre de l'équipe de sécurité de Reed les rejoignit au pas de course. Rao Maas, l'ingénieur en chef du complexe, derrière lui, semblait tendue. "Il y a du nouveau. Nous avons de la visite, et ils n'ont pas l'air commode."
"Je n'ai pas été informée de ceci", s'exclama Maas, à bout de souffle. Elle avait été d'une importance cruciale pour donner accès à Reed aux lieux. "Quelque chose cloche. C'est une nouvelle équipe de police."
"La réunion du capitaine ne s'est pas bien passée", devina Reed. "Je pense que nous sommes sur le point de devoir partir. Videz le contenu de vos tablettes."
"Quoi?" fit Giordano, surprise, le regardant comme s'il était fou, tandis que Reed se pressait de purger tous les fichiers et dossiers de sa console.
Reed leur jeta un regard noir. "Tous les deux! C'est un ordre. Faites-le immédiatement, et vite. Purgez vos tablettes de tout le contenu, ne laissez rien."
Ils venaient à peine de terminer de détruire toutes les données de leurs tablettes quand plusieurs hommes et femmes en uniforme de la police Centaurie entrèrent dans la salle. "Vous allez être escortés hors de cette salle", les informa leur chef.
"Où est l'officier Pel?" demanda Reed, essentiellement pour ne pas surprendre les Centauris qui devaient s'attendre à des protestations de leur part. "Je travaillais avec elle, de manière très productive, d'ailleurs."
"L'officier Pel n'est plus affectée à cette affaire." Le nouveau chef se dirigea vers les deux personnes de la sécurité. "Fouillez-les", dit-il brutalement. "Tout ce qu'ils ont dans les poches doit aller dans cette boîte."
"Hé!" hurla Giordano alors que la fouille commençait. Leurs tablettes, outils, sandwichs, communicateurs, objets personnels finirent très vite dans la boîte que tenait l'un des Centauris.
"Que signifie tout ceci?" protesta Reed en repoussant la main d'un des policiers Centauris un peu trop brusque, avant de lever les mains en l'air en geste de reddition à la vision du regard de son adversaire. Giordano se montrait elle aussi très peu coopérative, ce qui lui valut d'avoir les mains attachées dans le dos et maintenue immobile.
"Monsieur Reed et ses associés ont été très utiles", protesta à son tour Maas. Mais Reed voyait que son autorité avait disparu. "Tout ce qu'ils veulent, c'est retrouver un de leur membre d'équipage disparu."
"Proxima et la Terre ont rompu leurs relations", répondit le chef de la police, l'air un peu trop content au goût de Reed. "Tout le personnel de la Terre doit quitter l'espace Centauri dans les trois jours, le délai donné par les Romuliens."
"Rompu leurs relations?" répéta Maas, hébétée.
Reed leva les sourcils de surprise. Il s'était attendu à être jeté dehors, mais pas pour une raison aussi énorme. "Faites ce que vous devez faire", cracha-t-il. "Mais nous exigerons que nos affaires nous soient rendues."
"Nous les renverrons à ce qui reste de votre vaisseau quand nous en aurons fini avec", répondit froidement le chef tout en notant le hochement de tête de l'un de ses subordonnés. "Veuillez me suivre."
Reed échangea un long regard avec Maas. Elle semblait paniquée. Il lui adressa un regard discret compatissant, essayant de la rassurer, puis quitta les lieux en compagnie de son équipe, en silence. Ils furent escortés même pendant leur court vol de navette jusqu'à l'Enterprise. Tous trois n'échangèrent quasiment aucune parole, mais Reed nota l'abattement et la confusion des siens rien qu'à leur regard. Il s'était visiblement passé quelque chose de grave pendant la réunion d'Archer avec les autorités locales. Proxima et la Terre avaient toujours été d'excellents alliés et partenaires commerciaux. Reed voyait l'influence des Romuliens là-dedans. Quelle sorte d'accord les Centauris avaient-il conclus avec eux? Il sentit sa colère croître, parce que quel que soit cet accord, l'Enterprise avait été placé dans la ligne de tir, et leurs alliés, leurs anciens alliés corrigea-t-il mentalement, les avait laissés se faire tuer. Près de cent personnes étaient mortes, y compris beaucoup de Centauris et quelques autres extraterrestres. Est-ce que cela faisait partie de l'accord?
A la minute même où tous trois étaient sortis de la navette pour passer dans un sas de l'Enterprise, Reed avait commencé à donner des ordres. "Giordano, procédez comme nous avons décidé. Enseigne, allez avec elle. Je m'occupe du Fortitude. A la minute où l'un de nous retrouve le commandant Tucker, nous en informons l'Enseigne Sato. Elle sera notre unique contact de communications. Tout passera par elle, absolument tout. Elle recevra tous les messages, et elle les communiquera au capitaine. Ne me contactez jamais directement." La porte du sas s'ouvrit, et ils pressèrent le pas dans le couloir. "Rendez-vous au magasin pour y recevoir de nouveaux communicateurs, et passez à l'arsenal prendre des pistolets phaseurs." Il s'arrêta et appuya sur un intercom, ses deux associés l'attendant dans l'attente d'autres ordres. "Allez-y!" ordonna-t-il. "Reed à Mayweather", appela-t-il pendant que ses équipiers s'éloignaient au pas de course dans le couloir.
Il fallut de longues secondes avant que Mayweather ne réponde. "Ici Mayweather", répondit le pilote.
"Enseigne, j'ai besoin d'aller sur le Fortitude", dit Reed. "Pouvez-vous me rejoindre dans le hangar aux nacelles dans dix minutes?"
"Oui, Monsieur", Mayweather répondit après quelques nouvelles secondes, ayant visiblement attendu l'accord du Capitaine.
Reed relâcha l'intercom et s'adossa au mur. Il avait vraiment besoin de sommeil. Il carburait à l'adrénaline depuis plus de vingt heures, depuis que l'attaque avait changé le paysage politique de son univers. Son esprit continuait à ressasser de multiples questions. Il se força à se redresser, lissa son uniforme, puis se dirigea vers l'infirmerie en quête de quelques stimulants. En purgeant les informations contenues dans leurs tablettes et la base de données Centaurie, ils n'avaient gagné que quelques heures d'avance. La police Centaurie serait probablement capable de reconstituer ces informations, voir ce que Reed et son équipe avaient découvert, accéder à ce qu'ils avaient accédé. Sans aucun doute, ils partageraient leurs résultats avec leurs nouveaux alliés, les Romuliens. Mais Reed avait de l'avance sur eux. Et il avait bien l'intention de l'utiliser.
 
******
 
"Vous restez incroyablement silencieux."
Travis Mayweather jeta un coup d'oeil derrière lui vers Malcolm Reed. "Désolé, Monsieur", dit-il sans réfléchir. "Je n'ai pas... Je ne sais pas quoi dire."
"Ah..." Reed laissa son regard se perdre sur l'espace visible par la baie tandis que Mayweather se concentrait sur le pilotage de la navette. "Je suis sûr que le compte-rendu du Capitaine vous a beaucoup... intéressé."
'C'est le moins qu'on puisse dire', ajouta mentalement Mayweather. Pendant l'attaque, il avait rendu visite à quelques amis Boomers qu'il n'avait pas vus depuis longtemps. Après être revenus sur l'Enterprise, Hoshi Sato et lui avaient été convoqués par le capitaine, T'Pol et Reed. "Nous n'avons pas beaucoup de temps", avait commencé par dire le Capitaine, avant de leur révéler le rôle de Reed dans les services secrets. Pour Mayweather, cela expliquait beaucoup de choses, Reed prisonnier quelques mois plus tôt, le Capitaine furieux contre le Lieutenant et Reed rétrogradé, et même les deux disparitions de Tucker d'abord sur la Base Stellaire Une et aujourd'hui. Sato avait écouté très calmement. Mayweather n'avait pas pu lui demander ce qu'elle en pensait depuis lors.
"Je pensais juste vous connaître, depuis tout ce temps", dit finalement Mayweather après un moment de silence. "Mais cela évoque d'autres questions en moi que je n'arrive pas à exprimer."
"Je crois comprendre", dit Reed amèrement. "Comme le fait que je ne suis pas très... social."
"En partie..." Mayweather tendit le bras et ouvrit un canal de communication. "Fortitude, ici l'Enseigne Mayweather de l'Enterprise. Permission de m'arrimer au vaisseau."
Le haut-parleur crépita et une voix d'homme résonna. "Nous vous attendions. Ouverture des portes, entrez."
Mayweather échangea un regard inquiet avec Reed. "Ils savaient que nous venions?" Reed secoua la tête, l'air impatient malgré sa fatigue. "Très bien, nous entrons."
Ils se posèrent sans problème, attendirent que la baie de lancement se pressurise. Dans la nacelle, alors qu'ils attendaient devant la porte que les témoins de pression passent au vert, Reed s'éclaircit la gorge. "Travis", dit-il. "Je ne veux pas que vous doutiez de ma loyauté."
Reed le connaissait trop bien. C'était exactement ce que Mayweather redoutait intérieurement. Trop de choses s'étaient produites durant ces derniers mois, trop de surprises, de questions sans réponse. Mayweather devait savoir en qui avoir confiance. "Et pourtant, je doute", répondit lentement Mayweather, même s'il ne voulait pas blesser Reed, incapable cependant de lui mentir. "J'ai besoin de savoir si je peux vous faire confiance." Il indiqua la porte d'un geste de la main. "Je ne sais pas ce que nous allons trouver là-dedans."
Reed hésita, comme s'il cherchait les bons mots. "J'ai dit ceci au Capitaine Archer, Travis. Je lui suis fidèle, par-delà toutes les autres allégeances que j'ai pu avoir eues. Le Capitaine Archer saura tout ce qui se passera ici." Reed regarda Travis droit dans les yeux. "Vous me comprenez?"
"Compris", répondit Mayweather, étrangement rassuré.
"Bien. Maintenant, allons récupérer le Commandant Tucker."
Au même instant, le signal de pressurisation retentit. Mayweather saisit la poignée de porte. Pendant qu'ils sortaient, une équipe de quatre personnes entra dans le hangar, certaines de leurs connaissance. Il y avait là le Capitaine Hendry, un autre homme que Mayweather ne connaissait pas, Lisa Kearney, la fille de Jacqueline Kearney décédée lors de l'attaque et avec qui Mayweather avait brièvement déjeuner, et devant eux, l'air extrêmement content de les voir, le Commandant Tucker.
"Commandant!" s'exclama Mayweather, son visage se fendant d'un large sourire.
"Travis! Malcolm! Heureux de vous voir!" Tucker semblait soulagé.
Mayweather s'arrêta quand il réalisa que Reed n'était plus à ses côtés. Ce dernier avait stoppé net juste devant la nacelle. "Pourquoi ne suis-je pas étonné de vous voir, Harris?" dit-il d'une voix visiblement furieuse. Mayweather suivit son regard des yeux. Voilà donc l'homme de l'ombre avec lequel Reed avait des contacts, l'ancien chef du Reed-agent secret, et qui avait depuis lors quitté l'organisation secrète.
"Et pourtant je suis enchanté de vous voir, Monsieur Reed", répondit Harris d'une voix au contraire mielleuse. Mayweather ressentit instantanément de l'aversion pour cet homme. "Nous vous attendions. Comme vous pouvez le voir, le Commandant Tucker va très bien."
"J'ai toujours un mal de tête d'enfer, mais à part ça, ça va", fit Tucker. Il pencha la tête vers Harris, l'air relativement neutre. "Harris m'a fait venir ici, et à ce qu'il m'a dit, juste à temps."
"Quoi?" s'exclama Mayweather, dubitatif, avant que Lisa Kearney ne prenne la parole à sa place. "Nous avons beaucoup à nous dire. Suivez-nous jusqu'à la salle de réunion." Elle fit mine de se diriger vers les portes. Tucker fit un grand signe du bras à Mayweather et Reed pour les inviter à les suivre. Il en savait visiblement assez sur la situation pour faire confiance à Kearney et aux autres, mais d'un autre côté, l'esprit de Tucker avait été altéré peu de temps avant.
Mayweather vit Reed se rapprocher de Tucker. "Tout va bien. Travis et Hoshi ont tous les deux été mis au courant."
"Bien", dit Tucker, visiblement soulagé. "Je commençais à ne plus savoir qui savait quoi."
"Toutes les communications doivent passer par Hoshi", continua Reed. "Le capitaine veut qu'elle soit notre seul contact."
"Je ne sais pas combien de temps nous avons", dit Kearney tout en ouvrant une porte avant de se mettre sur le côté pour laisser entrer tout le monde devant elle. "Les Romuliens ont donné à tous les vaisseaux de la Terre trois jours pour partir, et nous avons dû prétexter des ennuis de distorsion pour expliquer pourquoi nous étions toujours ici."
"En raison de la mort prématurée de sa mère, Lisa a été promue à la tête du vaisseau", expliqua Harris une fois tous installés dans la salle exigüe qui ne contenait rien de plus qu'une table, des chaises pliantes et un écran mural.
"Je suis désolée pour votre mère", dit immédiatement Mayweather en regardant Kearney.
"Merci", répondit Kearney, visiblement encore ébranlée par ce drame.
"Donc... J'imagine que les Klingons ont fourni le message à votre mère?" dit Mayweather. Kearney inclina la tête. "Que contenait-il?" Il sentit Reed se raidir sur son siège, attendant avec impatience la réponse de Kearney. Elle hocha la tête.
"La fréquence d'un transpondeur", dévoila Kearney. "Il m'a fallu des heures pour craquer les codes des dossiers et de la base de données de ma mère après qu'Harris et George sont arrivés pour m'expliquer ce qui s'était passé."
"Qui est George?" demanda Reed.
"Moi", répondit Hendry. Il adressa un large sourire à Reed. "Ne me regardez pas comme ça, je suis du côté des gentils, comme vous."
"Tu parles", siffla Reed dans sa barbe, avant que Kearney ne reprenne la parole.
"Il m'a fallu encore un moment pour comprendre ce que le code signifiait. Trip m'a été très utile."
Tucker leva une main en un signe d'assentiment poli.
"En ce moment même, mon père se démène pour produire des interférences, ce qui évite d'attirer l'attention des autres sur nous", dit-elle en indiquant les autres délégués Boomers présents." Kearney soupira. "Comprenez bien, le code du transpondeur a été transmis à des milliers de vaisseaux Boomers, en fait à chaque vaisseau ayant un jour ou l'autre été réparé dans l'une des six stations spatiales durant les dix dernières années... Ce qui signifie la quasi-intégralité de nos vaisseaux."
Mayweather en resta bouche bée. Puis il regarda Harris. "C'est vous qui avez fait cela?" demanda-t-il, incapable d'imaginer qui d'autre aurait pu avoir les ressources ou le pouvoir suffisant pour le faire.
"Nous?" répondit Harris en levant les sourcils et en souriant d'un air surpris. "Non. Ce sont les Renseignements de Starfleet. Ils ont placé le code dans chaque vaisseau Boomer sur lequel ils pouvaient mettre la main. Cependant, quand Mademoiselle Kearney dit 'le code', elle ne lui rend pas justice. C'est une longue et complexe série chiffrée, qui ne peut être décodée que par un algorithme particulier. Elle ne peut simplement pas être apprise par coeur. Il ne suffit pas d'en taper la séquence pour avoir accès aux données."
"Mais accéder à quoi?" demanda Mayweather.
"A tout." Harris dessina un cercle imaginaire au-dessus de la table d'un large geste de la main. "En plus des localisations et des statuts de chaque vaisseau équipé, celui qui possède ce code peut accéder à tous les rapports et aux communications."
"C'est un réseau souterrain", continua Kearney. "Les Renseignements de Starfleet voulaient des yeux et des oreilles partout dans l'espace. Les Boomers sont partout. Ces transpondeurs leur ont permis de voir partout où ils voulaient regarder. Ils ont récupéré des rapports dont les informations enregistrées étaient sans intérêt pour les Boomers en particulier, mais d'un grand intérêt pour d'autres, quels vaisseaux étaient présents aux alentours, qui se dirigeait dans quelle direction, quelle traînée de distorsion allait où, ce genre de chose. Et tout ceci était collecté de nous, sans notre consentement, sans même que nous en ayant eu connaissance."
"Laissez-moi deviner." Reed se pencha en avant. "Vos mystérieux employeurs voulaient donner accès à toutes ces informations à quelqu'un d'autre."
Harris hocha la tête. "Exactement. Et donc le code a été transmis en contrebande via le cerveau de Monsieur Tucker. Je ne suis pas sûr de savoir exactement de qui était cette idée. En tout cas pas la mienne."
"Alors les Renseignements de Starfleet ont toujours accès à ces données?" demanda Reed, les sourcils froncés.
Tucker s'éclaircit la gorge. "Plus maintenant. Nous avons changé la première partie du code." Il sourit. "Ne me regardez pas comme ça, Malcolm. Vous me connaissez. J'aime bien me tenir occupé." Il balaya l'air d'une main. "De toute façon, nous devions le changer. Désormais, Starfleet n'aura plus cet accès, mais les Romuliens non plus. Le vieux code ne sert plus à rien."
"Et nous avons désormais aussi, à notre disposition, un incomparable réseau d'yeux et d'oreilles." Harris soupira de façon théâtrale, provoquant les regards fâchés de Mayweather et Hendry. Harris leur répondit d'un sourire moqueur. "Quand je dis le nôtre, naturellement, je parle de Lisa. Et quand je dis yeux, je ne compte plus les miens à partir de maintenant."
Kearney traçait des formes sur le dessus de la table avec un doigt. "Mon père et Leo Osgood, le délégué à l'Assemblée de la Terre, transmettent l'information directement de la main à la main aux Boomers, sans faire confiance aux réseaux de communications classiques et subspatiaux. C'est lent, mais c'est la seule manière pour que le message ne soit pas volé. Les transpondeurs vont rester en place. Les Boomers seront désormais aux commandes de ces informations. Et les Boomers vont se séparer de la Terre."
Mayweather, choqué, ouvrit la bouche pour protester, avant de la refermer sans finalement rien dire, pensant avoir compris pourquoi une telle décision. Hendry lui confirma. "Enfin, officiellement seulement."
"La trame cachée dans la trame", murmura Reed.
"Si les Romuliens pensent que les Boomers et la Terre ne sont plus alliés, on nous laissera voyager, surtout parce que les Boomers n'ont pas de territoire comme tout le monde en imagine le concept." Kearney se croisa les mains. "Si tout va bien, ils nous laisseront tranquille. Et en attendant, nous travaillerons en souterrain pour la Terre."
Harris lui coupa la parole. "Le problème, c'est qui est derrière tout cela sur Terre. Les Renseignements de Starfleet sont clairement impliqués, et mes anciens associés sur Terre sont sans doute aussi coupables. Quelqu'un essaye visiblement d'obtenir ce code de transpondeur pour les Romuliens, pour autre chose que son propre enrichissement personnel ou le pouvoir. J'ai téléporté le Commandant Tucker juste à temps. Une équipe secrète était sur le point d'en faire de même, ignorant que grâce à mes... heu... relations avec les Klingons, j'avais déjà fait en sorte d'extraire de son esprit l'information pour l'emmener loin de là et la donner à ses propriétaires légitimes, les Boomers."
Reed nota qu'Harris n'avait pas mentionné où cette équipe secrète se trouvait actuellement. "Alors nous ne pouvons pas en informer Starfleet?" intervint Mayweather. "Alors qui? L'Assemblée de la Terre? Quelqu'un d'autre?"
"Et bien, Starfleet n'est pas complètement infiltré de taupes", dit Harris, l'air terriblement triste d'avoir à admettre cependant ce fait. "Vous vous rappelez peut-être des industries de Hatham?"
Bien qu'il ait essayé de paraître aussi détendu que Reed, Mayweather était mal à l'aise. Les Industries Hatham... Il n'avait plus pensé à ce nom depuis quelques temps.
"Monsieur Mayweather, vous avez connu l'agent Gannet, des Renseignements de Starfleet, je crois", insista Harris.
Le sentiment familier de perte saisit Mayweather au creux de l'estomac. Il avait connu Gannet. En effet, il était tombé amoureux d'elle, et elle était morte. Cela faisait presque un an, mais la blessure était toujours ouverte. "Je l'ai connue", se contenta-t-il de répondre, sous le regard compatissant de Reed. Il se concentra sur son envie de détester Harris.
"Le directeur des Industries Hatham a été averti par quelqu'un des Renseignements de Starfleet que vous étiez près de le retrouver... Quelqu'un qui n'avait pas d'atomes crochus avec l'Enterprise et le Capitaine Archer, devrais-je ajouter. Monsieur Hatham, appelons-le ainsi, s'est échappé après les attaques de Terra Prime. Les personnes que couvraient les Industries Hatham étaient en contact avec les Romuliens, et elles ont pris le contrôle de... l'organisation pour laquelle je travaillais. J'ai peur qu'elles n'aient pas les meilleurs intentions pour la Terre."
"Vous tournez autour du pot, Harris", le coupa Reed. "De qui parlez-vous dans Starfleet?"
Pour une fois, Harris répondit sans détour à la question. "L'Amiral Boone."
"Le nouveau chef des Renseignements de Starfleet?" dit Mayweather, interloqué. Boone avait été promu quand l'Amiral Novotny, l'ancien chef de la division des Renseignements et l'homme qui avait maintenu Mayweather en prison pendant plusieurs jours après le meurtre de Gannet, était devenu le Commandant de la Base Stellaire Une. Et cela s'était produit après que l'Enterprise avait découvert que le précédent Commandant de la Base, l'Amiral Gardner, avait été tué et remplacé par un agent Romulien.
Harris hocha la tête, toute trace d'humour disparue de son visage. "Non seulement il est devenu le chef des Renseignements de Starfleet, mais il est également devenu le chef de mon ancienne organisation, ce qui m'a décidé à m'en éloigner. J'ai bien peur que nous devions purement et simplement nous débarrasser de lui."
"Je vous demande pardon?" demanda Reed, incrédule. "Etes-vous en train de suggérer que nous..."
"Je ne suggère rien du tout 'nous' concernant", l'interrompit Harris. Il pencha la tête en avant, les lèvres esquissant à nouveau un léger sourire. "Je suggère que 'vous' l'assassiniez, Monsieur Reed."
Mayweather regarda alternativement Harris et Reed, et s'aperçut que Tucker faisait de même. Le chef de la sécurité de l'Enterprise était devenu très pâle.
 
******
 
Hoshi Sato saisit la main de Jhamel et l'abaissa doucement. "Là", dit-elle en laissant Jhamel procéder au contact.
"Oh!" Jhamel parcourut la tête de Porthos du bout des doigts. "Comme il est doux! Et agité!"
"La chose humide qui vous lèche, c'est sa langue", précisa Sato pendant que Jhamel commençait à caresser le Beagle. "Quand il fait ça, c'est un signe d'affection."
"Sur mon monde, la fourrure de telles créatures est lourde et rêche, pas du tout comme ceci", dit Jhamel en baladant sa main le long du dos de Porthos. "Et il est si petit!" Elle se mit à genoux et utilisa ses deux mains pour caresser énergiquement le chien. "Le capitaine le garde ici?"
"Comme animal de compagnie, oui", lui confirma Sato. "Il suit le capitaine presque partout. Il est en laisse aujourd'hui dans le bureau du Capitaine à cause des dommages qu'a subis le vaisseau. Le Capitaine avait peur qu'il se blesse."
"Le vaisseau a l'air si différent", dit Jhamel, indiquant par là son accord. "L'air n'est pas bon, il ne circule pas."
"Le système de ventilation ne fonctionne plus", dit Sato. "Nous renouvelons l'air par la vieille méthode, en ouvrant les portes dans un certain ordre une fois par heure." Elle se pencha vers une console et vérifia l'écran. "Il est temps. Vous êtes prête?"
"Absolument", répondit Jhamel en se levant immédiatement. Elle lissa sa jupe.
"Vous n'êtes pas nerveuse?" la taquina Sato.
"Non, pas du tout. Je devrais?"
"Les mariées le sont, souvent." Sato serra le bout de la laisse de Porthos autour de son poignet et se dirigea vers la porte.
"Je suis beaucoup plus nerveuse en pensant aux réactions quand je retournerai sur ma planète", lui confia Jhamel. "Une alliance entre un militaire Andorien et une Aenar est... totalement inédite. Je crains que sa famille ne m'aime pas, qu'ils me rejettent en raison de ma jeunesse. Je crains que notre décision ait des conséquences politiques, comme je crains que son symbolisme soit utilisé hors de son contexte par nos ennemis." Sur le pas de la porte, avec cette étrange et infaillible capacité qui déconcertait tant Sato, elle lui serra doucement le bras. "Les convenances politiques n'ont été que trop à l'ordre du jour ces derniers temps. Le Capitaine Archer a toujours été un ami pour Shran et moi, même si nous avons dû suivre les ordres de nos deux gouvernements, fonction publique oblige."
"Je comprends", murmura Sato. "Et je suis sûre que le Capitaine Archer aussi."
"Vous pourrez peut-être le lui dire", dit Jhamel avec une intensité dans la voix qui contrastait la beauté blanche de son visage. Sato se rappela que le peuple de Jhamel était aveugle et n'avait donc développé aucun langage corporel. "Son rôle dans notre liaison dépasse toute politique. Vous lui direz?"
"Je lui dirai", promit Sato. "Prête? Alors allons-y."
Sato ouvrit la porte et eut du mal à retenir Porthos qui essaya de bondir vers son maître, debout sur la passerelle en uniforme de cérémonie. Shran était à ses côtés. Il portait ce qui ne pouvait être qu'un uniforme militaire de parade, avec un nombre considérable de décorations sur le côté gauche.
"Ah, Jhamel", s'exclama Shran en tendant une main que Jhamel prit comme si elle pouvait la voir. "Shran", murmura-t-elle. Main dans la main, ils firent face à Archer. Bien que tous deux semblaient extérieurement calmes, leurs antennes laissaient transparaître leur nervosité, s'agitant rapidement. Sato se demanda si Jhamel était vraiment aussi calme qu'elle le lui avait assuré.
Sato et le cercle intime de ses proches collègues, Mayweather, Tucker, et Reed, qui étaient tout juste rentrés du Fortitude, formèrent un demi-cercle rapproché sur la partie haute de la passerelle, au milieu de murs noircis et d'appareils détruits. Avec eux, trois Andoriens du vaisseau de Shran étaient là. Sato n'avait pas eu le temps d'apprendre à Archer les coutumes Andoriennes ni les mots relatifs à la cérémonie, et il prit la parole en français. Shran et Jhamel n'avaient pas voulu d'un mariage traditionnel, d'abord parce que ni l'un ni l'autre n'auraient pu convenir quelle tradition suivre, celle de Jhamel ou de Shran, et ensuite parce que cela leur semblait mal placé, étant donné la situation. Au lieu de cela, ils avaient opté pour une courte cérémonie issue des enseignements du philosophe le plus vénéré d'Andoria, que tous deux connaissaient et appréciaient.
Pendant qu'Archer, une tablette à la main, prononçait les paroles dénuées de romantisme sur l'alliance et l'harmonie, Sato observa Shran et Jhamel. Il était bon de voir que, de temps en temps, l'amour le remportait sur tout le reste. Ils formaient un étrange couple, mais elle croyait qu'ils se complétaient. La sérénité de Jhamel contrebalançait l'irritabilité de Shran, et il animait la froideur de la jeune femme de sa chaleur et son humour. Sato n'était pas très experte en ce qui concernait les rangs sociaux sur Andoria, mais elle savait que Shran était considéré comme une personnalité. De même, Jhamel était belle et bien placée, un leader parmi les siens, ce peuple mystérieux entré tout récemment dans l'arène de la politique d'Andoria.
Shran et Jhamel rapprochèrent leurs têtes l'une de l'autre et récitèrent à l'unisson les paroles qui les uniraient pour le reste de leur vie. Malgré elle, Sato sentit l'émotion lui monter aux yeux. Elle échangea un sourire avec Mayweather, qui semblait tout autant ému. Ce dernier se rapprocha d'elle et passa son bras autour de ses épaules, comme s'il sentait qu'elle avait besoin de soutien.
"Nous sommes les témoins de l'Histoire", murmura Sato.
"Sur Terre, il est de coutume que les mariés s'embrassent", dit Archer.
"Charmante coutume", sourit Shran. Sato lui trouvait l'air plus fier qu'à l'habitude.
"Charmant", convint Jhamel. "Nous devrions nous conformer aux coutumes de nos hôtes", ajouta-t-elle, joignant le geste à la parole. Les Terriens applaudirent.
"Les registres", indiqua l'un des Andoriens en s'avançant. Jhamel, puis Shran, pressèrent leur pouce sur une tablette informatique Andorienne pour se conformer à la légalité. Archer et le reste des observateurs suivirent le mouvement.
"Ca a été rapide", dit Mayweather alors que tous se serraient la main et félicitaient les mariés. "Hoshi? Vous allez bien?"
"Très bien." Sato sourit en séchant les larmes qui perlaient de ses yeux. "C'est juste que je n'ai pas assisté à beaucoup de mariages récemment." Elle se tourna vers Archer qui s'approchait. "Très bonne prestation, Monsieur", le complimenta-t-elle à propos de la phrase traditionnelle qu'il avait prononcée en Andorien. "Votre accent était parfait."
"Merci, Hoshi." A sa surprise, Archer l'étreignit, rapidement, mais fermement, puis donna une bonne tape sur l'épaule de Mayweather. "Au moins ce voyage n'aura-t-il pas été totalement inutile", dit-il tristement.
"C'est vrai, Monsieur", convint Mayweather.
 
******
 
Archer se pencha et coupa l'écran de son bureau. T'Pol se tenait devant lui, au garde à vous selon son habitude.
"Félicitation, Ambassadeur", dit ironiquement Archer à son ancien Premier officier.
"Merci, Monsieur", répondit T'Pol. "Je n'ai pas cherché à obtenir ce poste."
"Soval vous considère avec distinction. Vous commencez par lui succéder en qualité de négociateur, puis vous assurez son intérim en qualité d'ambassadeur sur Terre." Archer soupira. "Que lui arrive-t-il donc?"
T'Pol leva un sourcil. "Rien", répondit-elle.
"Il est malade?" insista Archer.
"Il se fait simplement... vieux", dit T'Pol. "Il est Ambassadeur sur Terre depuis plus de trente ans, et avant d'obtenir ce poste, il était attaché du précédent ambassadeur."
Archer fut surpris. "Cela fait vraiment si longtemps?"
"Oui", confirma T'Pol. "Naturellement, je continuerai à servir comme Premier officier jusqu'à ce que l'Enterprise atteigne la Terre."
"Nous resterons en cale sèche pendant au moins deux mois", précisa Archer. "Maintenant que Trip est de retour, les réparations devraient aller beaucoup plus vite." Les codes de transpondeur que Tucker avait abrités dans son esprit étaient désormais inutiles, Archer avait donc décidé de laisser Tucker vaquer librement à ses occupations. Archer était persuadé que les Renseignements de Starfleet savaient que leur réseau d'espions malgré eux ne délivrait plus aucune donnée. Cette information atteindrait bien assez bientôt les anciens employeurs de l'ombre d'Harris. Archer soupira et s'étira. Il était presque temps de partir. Le V'Hi, un vaisseau Vulcain, était prêt à les prendre en remorquage. Tucker avait stabilisé la coque pour qu'ils puissent rester à bord du vaisseau pendant le voyage, au lieu de l'évacuer. Archer tenait à ce geste symbolique quand ils arriveraient sur Terre.
"Passerelle au capitaine Archer", fit la voix de Sato dans l'intercom.
"Ici Archer."
"Le cargo Tellarite a signalé que le docteur Phlox était arrivé sain et sauf à bord."
"Bien." Le Dénobulien catatonique retournait sur son monde, où sa famille prendrait soin de lui jusqu'à ce qu'il aille mieux. Archer espérait que le docteur reviendrait vite sur l'Enterprise et enregistra une note pour le lui dire, afin que Phlox la lise plus tard. Il était passé à l'infirmerie plus tôt dans la journée pour voir Phlox, et avait été préoccupé de voir le docteur allongé sur un lit médical, immobile, les yeux bleus habituellement pétillants de vie, dans le vague, tandis qu'un membre du personnel médical surveillait au-dessus de lui ses signes vitaux. Sato prenait soin des animaux qui avaient survécu à l'attaque.
La voix de Sato retentit à nouveau . "Le Lieutenant Reed vous attend", lui rappela-t-elle.
Naturellement. "Faites-le entrer", commanda-t-il. Un instant plus tard, la porte glissait sur elle-même, révélant Reed habillé de vêtements civils, un sac de marin sur l'épaule. "Merci, Commandant", dit-il formellement à T'Pol pour la congédier. Son Premier officier inclina la tête à son intention et celle de Reed. La porte se referma en chuintant derrière elle. "J'aimerais que vous n'ayez pas à faire cela", dit Archer alors que Reed déposait son sac.
"Je crois que cela doit être fait, Monsieur", répondit Reed. "Je vous présente ma démission." Il tendit une tablette à Archer. "Mes recommandations pour des changements de personnel sont également incluses dedans." Il tira quelque chose de sa poche. "J'ai laissé mes uniformes dans mes quartiers. Et voici... la dernière pièce."
Archer fit rouler les insignes de Reed dans la paume de sa main. "Non", décida-t-il. "Gardez-les." Il les remit dans la main de Reed et en referma les doigts par dessus. "Vous en aurez encore besoin."
"Pas si je me fais prendre", lui rappela Reed. "C'est une possibilité tout à fait envisageable."
Archer adressa à Reed un sourire triste. "Je ne suis sûr de rien", fit-il. Ce qu'il ne savait pas, c'était que Reed, agissant comme espion d'Harris, s'était laissé convaincre que l'Amiral Boone travaillait sous couverture pour les Romuliens, ni que son chef de la sécurité avait accepté de reprendre son ancienne vie secrète pour surveiller Boone et savoir vraiment si Harris avait raison quant à son souhait d'éliminer l'Amiral.
Reed sourit en retour, d'une façon plus légère et plus franche qu'Archer ne l'avait jamais vu faire. "C'est le jeu, Monsieur."
Archer réalisa qu'il avait toujours sa main sur celle de Reed, les insignes de grade de l'officier serrées dans son poing. Reed et lui se seraient jamais d'accord sur ce sujet. Archer lui avait interdit d'agir sous les ordres d'Harris et lui avait demandé de rester en poste sur le vaisseau, au sein de Starfleet. Même s'il avait compris, après que Reed lui ait donné les informations et les documents de cette affaire, la nécessité de cette manière de faire. Les indicateurs d'Harris avaient suggéré que les changements au sein de son organisation secrète et que les gros problèmes au coeur des Renseignements de Starfleet, y compris la tentative de putsch sur la flotte des Boomers, avaient vraiment commencé après le départ de l'Amiral Novotny pour la Base Stellaire numéro Une. Boone avait été impliqué, alors que Novotny semblait être clair. C'était au moins quelque chose de positif. Quant à Archer, son plan était d'entrer en contact avec Novotny par l'intermédiaire du capitaine Hernandez en poste sur le Columbia, dont Archer jurait de la fidélité sur sa vie. Reed préférait le plan d'Harris. Ils estimaient tous deux que l'affaire ne pourrait se régler que depuis l'extérieur de Starfleet, surtout à cause des agents probablement impliqués dans Starfleet. La démission de Reed était leur compromis. De cette manière, Reed devenait le jouet d'Harris, mais pas Archer.
Il laisserait donc Reed partir.
"Démission acceptée, Lieutenant", dit-il d'un ton sec. "Et je voudrais vous dire que ce fut un plaisir de travailler avec vous."
"Pour moi aussi, Capitaine." Reed esquissa un bref salut. "J'ai arrangé mon transport sur un cargo Boomer, le Sanctuary. J'aime plutôt bien ce nom. Je devrais arriver sur Terre six semaines après l'Enterprise."
Archer hocha la tête. "Faite-moi savoir si vous avez besoin de quoi que ce soit."
Reed secoua la tête. "Merci, Monsieur, mais je doute que vous entendiez parler de moi avant un long moment." Il se retourna et fit mine de se diriger vers la porte. "J'ai réservé une navette commerciale pour mon voyage jusqu'au Sanctuary. Elle doit m'attendre."
"Malcolm."
"Monsieur?" Reed se retourna. Les deux hommes se regardèrent fixement l'un l'autre pendant quelques longues secondes, l'abîme béant de leur désaccord entre eux. Archer détestait le laisser partir ainsi, mais il n'avait pas le choix.
"Bonne chance, Malcolm", murmura Archer.
"A vous aussi, Monsieur", répondit Reed, poliment, avant de sortir.
Archer s'assit lourdement sur sa chaise. Les Romuliens avait gagné cette bataille. Que s'était-il donc produit sur Proxima du Centaure? Certainement pas les accords commerciaux historiques que la Terre avait tant espérés. Au lieu de cela, la Terre était sur le point d'entrer en guerre contre les Romuliens, T'Pol était le nouvel ambassadeur Vulcain sur Terre, Reed les quittait pour une mission des plus dangereuses qu'Archer ne pouvait pas cautionner, Phlox était littéralement frappé d'incapacité sous le choc de sa peine. Mais l'Enterprise, même estropié, volerait encore, Shran et Jhamel s'étaient mariés. Et Tucker allait être son nouveau Premier officier... Du moins l'espérait-il. Il avait en effet laissé leur amitié s'étioler au fur et à mesure de l'année écoulée, malgré tout ce qu'ils avaient traversé ensemble.
Cette bataille avait peut-être été gagnée par les Romuliens, mais la Terre gagnerait la guerre. Archer ferait tout ce qui était en son pouvoir pour s'en assurer.
Il n'avait pas réalisé qu'il attendait l'appel de Sato, jusqu'à ce qu'il entende sa voix dans l'intercom. "Monsieur, le V'Hi est arrivé", annonça-t-elle. "Ils sont prêts à nous prendre en remorquage."
"Entendu."
Archer lissa son uniforme, puis fit son entrée sur la passerelle.
Il était temps de rentrer à la maison.
Fin.
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